Cette semaine, une [mauvaise] nouvelle a enflammé la twittosphère burundaise et déchaîné les passions. C’est celle d’une femme qui aurait été arrêtée pour avoir jeté son nouveau-né dans un champ, à Makamba. Dans ce sondage réalisé par Yaga sur twitter, ils sont 35,9% à accuser la maman d’une « cruauté indéniable ». « Il n’est pas question de voix de la majorité, mais bien de justice sociale » ; critique cette blogueuse.
« Cruauté indéniable », avez-vous signé. « Que justice soit faite ! » ; revendiquez-vous. Que de la facilité de jugement, quand la guillotine ne pointe pas à votre cou ! Oui, j’ai bien dit facilité. Il est simple de dire que la femme ou la jeune fille est coupable et que les raisons qui se cachent derrière son acte se résument à la cruauté ou à l’inconscience, faisant même fie du rôle du justicier.
Tenez-vous bien ! Je ne compte plus le nombre de tweets qui parlent de bébés abandonnés, ou pire encore, d’infanticides. Autant croire que les femmes et les filles d’aujourd’hui n’ont plus de cœur, de morale ou d’instinct maternel. Mais moi, je ne vais pas me laisser trainer dans cette facilité avec laquelle nous analysons ces actes.
Les chiffres, d’abord !
Face à la détresse d’une grossesse non désirée, si toutes les jeunes filles de 15 à 19 ans avaient décidé d’abandonner leurs bébés, nous nous serions retrouvés, l’année passée, avec plus de 40.000 bébés livrés à eux-mêmes. Et si les femmes qui se sont retrouvées dans la même situation, à la suite d’un abus, à un viol ou autre, avaient décidé de faire de même, je n’ose pas penser au nombre d’abandons auxquels on aurait pu faire face.
Si les jeunes filles et les femmes pouvaient prendre des décisions d’elles-mêmes, sans manipulation ou rapport de force ; voilà malheureusement ce qui devrait être la première solution. Au Burundi, seuls 60% des femmes peuvent prendre la décision d’avoir un rapport sexuel. Tabou oblige, je me dis combien il est difficile pour une femme d’oser parler de ses envies ou dans certains cas de choisir d’avoir un rapport sexuel. Vous allez parler de « proies faciles ». Que de la facilité, encore et encore. Certains hommes vont profiter de leurs positions pour manipuler des jeunes filles, les soumettre à un rapport de force ou bien abuser d’elles. Être capable de dire non et être respectée dans ce choix est aussi important pour les femmes que pour les jeunes filles.
La contraception, « la marque de la bête » ?
A l’opposé de nos parents et toutes ces personnalités paternalistes qui prodiguent des faux conseils, je ne vais pas vous assommer avec les fameux « Fais attention ! » ou « Pensez aux conséquences ! » Je vous le dis crument : utilisez les contraceptifs ! Mais là aussi, il s’agit d’un parcours du combattant ; je veux dire convaincre le partenaire (plutôt les partenaires) : le mari, la belle-mère et parfois toute la belle-famille ; passer outre les mythes, les qu’en dira-t-on et ses propres peurs. La contraception devient, à la fin, pas si attirante que ça ; malheureusement. Il n’est pas étonnant qu’au final, seules 31% des femmes soient sous contraceptifs modernes. Et ce n’est pas de leur faute.
« Je ne veux pas que ma belle-mère apprenne que je suis sous méthode », « Je viens ici pour les injections mais mon mari ne le sait pas ». Je ne compte plus le nombre de fois que j’ai entendu ces fâcheuses déclarations. Je reste convaincue que la contraception est le moyen sûr pour éviter et prévenir une grossesse que l’on n’est pas en mesure d’assumer. Si le choix leur était donné, sans la peur de représailles ou de jugement, les femmes mariées sous contraceptifs seraient-elles seulement 30,1% ? En 2023 ?
Et vous les hommes
Les annonces s’enchainent les unes après les autres et toutes font mention des femmes et des femmes encore. Mais où sont les hommes ? Sur le cas qui a été publié cette semaine, il était dit que « alors que son mari était allé chercher de l’argent pour la famille » ; tout pour faire croire à l’opinion que l’homme reste le saint dans tout ça. Et si, avec cette distance, l’homme se serait trouvé une concubine ? Je ne veux tomber dans le piège du jugement, je laisse.
Mais, nous demandons-nous quelle est la part de responsabilité des hommes dans ce genre d’actes, au moins ? Tant que la sensibilisation, les responsabilités et les représailles ne concerneront que les femmes et les filles autrices des abandons, ce problème ne prendra jamais fin.
Les filles mineures abusées, manipulées, recourront à des mesures extrêmes face à la détresse d’une grossesse non désirée. Ces grossesses ne sont pas toujours résultantes d’adultères ; elles peuvent être issues d’abus ou encore de viols. Que faire alors ? Ces femmes qui abandonnent leurs enfants ou commettent des infanticides sont parfois mineures. Encore une fois, que faire, alors ?
Si le public est prêt à lapider ces filles, pourquoi le silence règne-t-il quand on évoque les hommes responsables de ces grossesses ? Tant que ces hommes ne seront pas inquiétés, aucune solution, aussi belle soit-elle, ne durera.
C’est une question de justice sociale. Pas de « cruauté indéniable », mes chers amoureux de la voie de la facilité.
Un point pour vous Maëlys, on jette la première pierre à la fille, sans se demander ce qui l’a poussée à agir.
Mais je suis d’avis que rien ne peut excuser d’abandonner un enfant dans un champ, ou pire, de lui ôter la vie. Le petit n’a rien demandé, dans tout ça. Peu importe les circonstances dans lesquelles il a été conçu, il n’est en rien responsable des déboires de sa mère. Cependant, il est révoltant de constater qu’il se retrouve toujours victime.
Facilité ou pas, là n’est pas la question. Compromettre sciemment l’avenir d’un enfant, cela est pour moi impardonnable.
Cordialement.