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Burundi : pourquoi tant d’obsession pour les enfants garçons ?

Au Burundi, certaines croyances ont la dent dure, surtout quand il s’agit d’influencer le sexe des bébés. Entre les eaux de montagne surnommée « l’eau des garçons », les dernières gorgées de bière qui feraient des miracles et des calculs scientifiques parfois désespérés, la quête d’une progéniture masculine soulève des questions. À vous de trancher.

D’abord, pourquoi ce sujet ? Étrange non ? Rassurez-vous, je ne suis pas misogyne. Il y a une semaine, j’ai fait une découverte surprenante. Lors d’un trajet en bus vers l’intérieur du pays, avant d’arriver à Bugarama, un phénomène intrigant a capté mon attention. Un arrêt est forcé par les passagers, près d’une fontaine d’eau de la montagne où l’eau de la nappe phréatique se déverse continuellement. Ces passagers se précipitent pour s’étancher la soif. Le hic, le climat ne fait pas chaud pour expliquer cette envie pressante de boire de l’eau.

Le pic de mon étonnement a atteint son sommet lorsque j’ai vu des gens remplir des bouteilles et bidons pour continuer à boire cette eau chez eux. Croyant que c’est un remède comme l’eau thermale de Rumonge, quelqu’un m’explique que boire cette eau garantirait une progéniture masculine. Dans le bus, presque tous acquiescent. Cette eau miraculeuse est leur secret pour avoir des fils.

Moi, simple profane, je termine le trajet en me demandant comment une eau de montagne venant directement de la nappe phréatique pourrait influencer sur la biologie. Curieusement, le soir même, dans un bar à Ngozi, le sujet ressurgit de façon inattendue. Un ami commande une deuxième bière sans finir la première, puis une autre lance, hilare : « Termine ta bière, les dernières gouttes sont celles qui donnent des garçons ! » Quoi ? Une autre croyance sur le même sujet ? Je décide de leur partager l’expérience de « l’eau des garçons », et le sujet fait naître un débat. Autour de la table, les rires et les acquiescements confirment que cette croyance de la dernière gorgée de bière est bien ancrée et vraie.

D’où vient cet « amour » ?

Du débat, deux raisons principales émergent. D’abord, les résultats du dernier recensement général de la population révèlent que les filles sont plus nombreuses (6 431 719) que les garçons (5 901 068). Dans une société patriarcale, ce déséquilibre inquiète.

Ensuite, la tradition explique l’image dévalorisée que la société renvoie des filles par rapport aux garçons. Et cela pèse lourd dans nombreux couples. Lors des mariages, les vœux aux couples sont de faire bourgeonner toutes les semences « muvyare hungu na kobwa » (engendre un garçon puis une fille), dans cet ordre précis. Et souvent si le premier-né est un garçon, il prend le nom de son père, mais si c’est une première-née fille, on retarde l’attribution du nom du père jusqu’à l’arrivée d’un garçon qui le prendra. Une famille sans fils, donc, est parfois perçue comme une menace pour la lignée.

La science pour trancher ?

Dans nos discussions, nous avons eu la chance d’avoir un médecin pour tempérer l’enthousiasme. Selon lui, la biologie explique que le sexe du bébé dépend du chromosome apporté par le père. Est-ce la raison pour laquelle ces croyances sont souvent destinées à être exécutées par les hommes ? Lui-même ne sait pas.

Il a continué à expliquer que « l’ovule de la mère contient toujours un chromosome X (femelle), mais que le spermatozoïde du père contient soit un chromosome X (femelle), soit un chromosome Y (mâle). Lorsque l’ovule est fécondé, les chromosomes s’assemblent, et si ce sont des XY, un garçon a été conçu, et si ce sont des XX, une fille est conçue ». Malheureusement, il a bien montré que d’un point de vue statistique, les chances d’avoir une fille ou un garçon sont presque identiques, et qu’il n’existe aucune preuve scientifique suggérant qu’il y a une influence extérieure en la matière.

Est-elle la raison que kugendereza bisumba kuraguza ? À vous de voir.

Dans un pays majoritairement chrétien, où beaucoup rappellent que l’enfant est un don de Dieu, entre croyances ancestrales, calculs scientifiques et foi, la nature garde ses mystères.  Et parfois, le hasard fait bien les choses.

 

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