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Dorine, battue par son mari, tuée par son beau-père : chronologie d’une tragédie

Un drame est survenu sur la colline de Gakaranka, dans la commune de Mugamba, au soir du 16 mai 2025. Un beau-père a tué de sang-froid sa belle-fille. Le comble du malheur, c’est que la jeune femme venait de passer quelques jours en kinésithérapie, à la suite de terribles violences physiques infligées par son conjoint. L’emprisonnement de son mari est à l’origine de l’assassinat de Mme Dorine Ndayikunda. Comment en est-on arrivé à une telle extrémité ? Nous avons reconstitué le fil des événements.

Il est 9 h. Mugamba est égal à lui-même. Il fait un froid de canard. Gakaranka n’est pas très loin du chef-lieu de la commune. Le temps de trouver un taxi-moto, et nous voilà en train de crapahuter sur les montagnes abruptes du coin. Avant d’atteindre Gakaranka, il faut d’abord enjamber les ponts en rondins de bois des petites rivières Agakima, Nyagikangaga, Cigome, mais aussi la majestueuse Murembwe. Cigome, c’est aussi le nom de la sous-colline de Gakaranka où le drame a eu lieu. Les habitations sont dispersées, le paysage est magnifique. Mais il y a comme une chape de plomb qui plane sur ces collines paisibles du Mugamba.

Le déroulé des événements

Remontons le temps de quelques semaines. Nous sommes le 9 février 2025. Une bagarre éclate entre Evariste Sinzumunsi et sa femme, Dorine Ndayikunda. Le point de discorde ? Elle serait rentrée tard, ce que le mari ne supporte pas. La maison du couple se trouve dans l’enclos familial, à quelques mètres de celle des beaux-parents de Dorine. Son mari s’en prend à elle et commence à la frapper. Dorine tente de se réfugier dans la maison des beaux-parents, mais la belle-mère la repousse. Ce n’est qu’avec l’intervention du beau-père, Joseph, que la bagarre cesse, alors que le mal est déjà fait : dans sa fureur, Evariste vient de casser le bras de sa femme. Elle est évacuée à Matana pour y être soignée.

22 jours de sursis

Le 18 février 2025, dix jours plus tard, son mari est arrêté et incarcéré pour violences physiques sur sa femme. Un dossier est rapidement constitué et il est envoyé à la prison de Bururi, où il attend son jugement. C’est cette arrestation, restée en travers de la gorge de la belle-famille, qui est à l’origine de la fin tragique de Dorine. Ses beaux-parents la tiennent pour responsable de l’incarcération de leur fils. Le 26 avril, après plus d’un mois de séances de kinésithérapie à Bujumbura, elle décide de retourner à Gakaranka, sans savoir que ses jours sont comptés. Elle ne survivra que 22 jours, pour succomber aux sévices de son beau-père.

« Je garde d’elle l’image d’une femme travailleuse. D’un seul mouton que je lui avais offert en cadeau, à l’occasion de la naissance de son premier enfant, elle en a eu 4 vaches », se rappelle Claudine Nahimana (nom d’emprunt), un membre de la famille qui a requis l’anonymat. Nous sommes le 14 mai 2025, trois semaines après la sortie de Dorine de l’hôpital. Les relations entre elle et sa belle-famille sont exécrables. Dorine passe la journée chez Claudine. Cette dernière lui conseille de rester chez lui, le temps que les choses se tassent. Mais Dorine n’entend pas laisser ses enfants seuls chez ses beaux-parents. À la sollicitude de Claudine, elle répond : « Mpfa, nkira, je nzogwa mu bana » (Je dois rester auprès de mes enfants, même si je dois y laisser la vie).

Sentant sa détresse, Claudine lui propose d’aller voir l’administrateur pour lui demander protection, le lendemain. Entre-temps, elle envisage une solution pour apaiser la situation : faire libérer son mari. Elle a même déjà fixé la date pour lui rendre visite à la prison de Bururi : le 20 mai 2025. Elle n’en aura pas le temps, car le destin en a décidé autrement. Claudine l’attendra le 15 mai pour l’accompagner chez l’administrateur, mais en vain.

Le 16 mai 2025, vers 17 h 30, Dorine rentre à la maison après avoir coupé de l’herbe pour le bétail. Elle envoie sa fille de 14 ans puiser de l’eau. Alors qu’elle essaie de nourrir les vaches, Joseph, son beau-père lui tombe dessus. Le reste, ce sont les voisins qui nous le racontent.

Le jour fatidique

Le premier à arriver sur les lieux est Claver Ciza, un voisin proche. Il raconte : « Quand j’ai entendu des cris, je suis accouru. J’ai trouvé Joseph Ntampera assis sur la victime, une lance dans une main, un javelot (ikimito) dans l’autre. Je pensais qu’il essayait de l’intimider avec ses armes blanches. C’est quand j’ai vu le sang couler par terre que j’ai compris. J’ai essayé de dégager Joseph, mais j’ai échoué. J’ai ensuite ameuté les voisins, qui sont venus m’aider. Joseph s’est réfugié dans sa maison et s’y est barricadé. Ce sont les policiers de Kivumu qui sont venus le déloger et l’ont conduit au cachot de Mugamba, où il croupit actuellement. »

Dominique, un autre voisin, se rappelle avec regret : « Après l’emprisonnement de son mari, je lui avais conseillé de quitter le foyer, en attendant que les choses se tassent. »

Dorine sera évacuée vers l’hôpital d’Ijenda, qui la référera à son tour à l’hôpital Militaire, où elle rendra l’âme le 18 mai 2025, deux jours après son agression. À seulement 43 ans, Dorine laisse sept orphelins, un mari et un beau-père sous le coup de la justice.

Une famille dévastée

Nous sommes allés voir l’épouse du présumé coupable mais aussi belle-mère de la victime. Nous l’avons trouvée seule, un peu perdue, dans l’enclos familial.

– « Qu’est-ce qui s’est passé ? », avons-nous demandé à la vieille dame.

– « Je n’étais pas là. Je n’ai rien vu. Quand je suis rentrée, on venait d’évacuer la victime. C’est terrible ce qui nous arrive. C’est fini ! », murmure-t-elle avec amertume.

Elle nous montre du doigt l’endroit précis, près de l’étable, où le beau-père a blessé mortellement sa belle-fille. La sentant au bord des larmes, nous décidons d’arrêter l’interview.

Nous sommes aussi allés voir le frère de Joseph, à quelque 100 mètres du lieu du crime, pour lui demander ce qu’il pense de ce qui s’est passé. Ntahonyegeza est un homme âgé, souffrant de problèmes d’audition. Assis au milieu de la cour de son enclos, il répond :

« Je ne sais pas ce qui lui a pris. J’ai entendu des cris. Plus tard, on m’a expliqué ce qui s’est passé. C’est vrai qu’il y avait souvent des querelles. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’ils en arriveraient là. C’est terrible. Maintenant, c’est à la justice de trancher. »

Des interrogations sur la procédure judiciaire

En plus des regrets qu’éprouve Claudine, parente de la victime, de ne pas avoir pu éviter la mort d’un membre de sa famille, elle ne comprend pas pourquoi la procédure judiciaire traîne autant. Lorsque Joseph a été appréhendé par la police, il n’a pas nié les faits, au contraire, il a reconnu les avoir commis. Ces propos nous ont été rapportés par les voisins présents lors de l’agression mortelle. Les armes du crime ont également été retrouvées et confisquées.

Avec toutes ces conditions réunies, Claudine pensait qu’une procédure de flagrance aurait dû être engagée. Certes, l’enquête peut prendre du temps, mais pour Claudine, les preuves sont évidentes.

Me Aminadab Mbonyumukiza, de l’Ordre des avocats près la Cour d’appel de Gitega, à qui nous avons posé la question, confirme que dans ce cas précis, c’est bien la procédure de flagrance qui aurait dû s’appliquer, surtout que la population environnante a accouru pour tenter de sauver la victime et a essayé de désarmer et d’arrêter le présumé coupable. Techniquement, cela s’apparente à la clameur publique, l’un des éléments déclencheurs d’une procédure de flagrance. Un autre fait qui n’est pas du goût de Claudine : même en cas de procédure ordinaire, la loi autorise à l’OPJ une garde à vue maximale de 14 jours. Or, Joseph Ntampera a été arrêté le 17 mai 2025, le lendemain du forfait. Il n’a été transféré au parquet de Bururi que le 03 juin 2025, totalisant donc une détention au cachot de Mugamba d’au moins 17 jours.

Contacté par téléphone, le procureur de Bururi établit une nuance importante. Il fait savoir que la victime est décédée à l’hôpital des suites de blessures graves ayant entraîné la mort, et que la procédure de flagrance ne s’applique pas dans les circonstances de la commission de cette infraction. En outre, il a précisé que le retard du transfert du présumé coupable au parquet était dû tout simplement à un problème de transport.

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Yaga vous nous aidez vraiment par beaucoup d informations, ma demande est que tous aillent au prisons même la belle mère…ce lieu apprendra un KIRAZIRA!!!!!PLUS JAMAIS