article comment count is: 0

Inceste à Kayogoro : l’infox qui écœure une jeune fille

A la fin de la semaine dernière, la rédaction de Yaga a été mise au courant d’une affaire d’inceste qui aurait eu lieu à Kayogoro.  Cette histoire semblait tellement sordide que Yaga a dépêché un reporter pour essayer d’en savoir plus. Sauf que c’était une rumeur lancée pour faire mal à une très jeune fille de 19 ans seulement. Cette dernière n’a plus d’autre choix que de vivre avec cette médisance. Mais qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Récit

C’est un agent d’une des organisations qui œuvrent en faveur des droits des enfants qui nous a mis la puce à l’oreille. Une fille de Kayogoro vivrait le calvaire depuis que son père l’a mise enceinte. Pire, après ce forfait, il l’aurait chassée du foyer familial. Vite fait, une mission est vite organisée pour retrouver la fille, savoir si elle a déjà reçu de l’assistance parce que, selon notre source, elle serait sur le point de se suicider. Ce n’est pas si facile de rallier Kayogoro en un jour si on se déplace en transport en commun ces derniers temps. Tout est fait pour arriver à destination rapidement. Première escale : Matana. Depuis là, on prend l’inévitable Probox jusqu’à la Sosumo, précisément à l’endroit communément appelé Kurya Makamba où on doit embarquer pour Kayogoro qui se trouve à une vingtaine de km. Bref à 17h pile, j’arrive à destination. Mais pourquoi tant d’efforts ? L’inceste n’est pas seulement une infraction punie par la loi burundaise, c’est un acte abject et gravissime de violences basées sur le genre (VBGs). Depuis un certain temps Yaga contribue à sa façon à la lutte contre ces violences.

La rencontre

Le temps de trouver un endroit où dormir, je passe un coup de fil à mon contact. C’est à 18h30 qu’une rencontre est organisée. On trouve un endroit tranquille pour discuter. La fille que je vais nommer Dalia (pour assurer son anonymat), sa maman et mon informateur se pointent au rendez-vous. La jeune fille, qui a encore un visage d’enfant, porte un bébé bien portant au dos. Sa maman marche à côté d’elle comme pour la protéger d’un danger imminent. On fait connaissance, un brin de causette, on partage une boisson et on se fixe un autre rendez-vous le lendemain, puisqu’il fait déjà 21h.

Le lendemain, à 9h pile, c’est la jeune fille et mon contact qui se présentent seules au rendez-vous. Après les salutations d’usage, je pose la question qui me brûle les lèvres : « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». La jeune fille de 19 ans, plutôt timide, prend quelques secondes avant de se lancer.

« Au départ, je me suis découvert une passion pour la poterie. J’ai commencé à m’intéresser à la poterie, et il se fait que mon père avait aussi un talent pour cet art. Je vivais avec ma mère parce que mes parents étaient déjà séparés. J’ai quitté Kayogoro où je vivais avec ma mère pour retourner à Ku Murenge chez mon père qui m’a aidé à développer mon talent. Il y a eu une compétition provinciale pour les jeunes dans laquelle j’ai participé et j’ai gagné un prix de Cordaid en octobre 2023. J’avais aussi d’autres centres d’intérêt, notamment la soudure ou encore l’apiculture. Je me suis initié à l’apiculture et j’avais déjà 24 ruches d’abeilles.  Si j’ai eu des problèmes, c’est à cause de cette hyperactivité ».

La pomme de discorde

Quand la jeune fille a commencé à gagner de l’argent à la force de son poignet, cela n’a pas fait que des heureux. Et cela a tellement touché la jeune fille qu’elle a commencé à pleurer quand elle a abordé cette partie de l’entretien. On a été obligé d’arrêter l’interview plusieurs fois pour la laisser se calmer. « Papa avait déjà une autre femme. C’est quand j’ai gagné le concours provincial des projets des jeunes de Cordaid et que j’ai remporté un prix de 300 mille BIF avec mon projet d’apiculture que les choses ont empiré. Mon père m’a sommée de lui remettre cet argent. En 2024, quand je sortais, on a commencé à fermer la maison à clé. Un jour, au retour de Makamba, à la tombée de la nuit, on a refusé de m’ouvrir la porte. Je suis allée dormir chez mon copain. C’est ainsi que je suis tombée enceinte ». Quelques mois plus tard, elle a dû abandonner l’école.

J’ai voulu en avoir le cœur net, et c’était tellement difficile devant une fille qui pleurait à chaudes larmes. Malgré toute cette tristesse, mon instinct de journaliste a pris le dessus. « Ce n’est donc pas ton père qui t’a mise enceinte ? ». La jeune fille a répondu par un NON catégorique à deux reprises. Selon toujours elle, c’est sa marâtre qui aurait lancé cette rumeur pour que le père chasse sa fille de la maison. Tout cela s’est ébruité et a fini par prendre des proportions inimaginables. Par contre, quand le papa a su que sa fille est enceinte, elle lui a donné de l’argent pour qu’elle aille avorter, ce qu’elle a refusé. Cela a encore une fois empiré les relations déjà exécrables entre le père et la fille. C’est comme ça qu’elle a quitté la maison de son père en juin 2024 pour aller revivre avec sa mère à Kayogoro où je l’ai rencontrée.

Revivre, quoi qu’il en coûte

Dalia a laissé des plumes dans cette histoire. Non seulement la stigmatisation est toujours omniprésente, à cause de cette rumeur malveillante à son sujet, mais aussi elle a perdu ses 24 ruches d’abeilles qui ont été empoisonnées après son départ. Elle a également perdu d’autres projets sur lesquels elle travaillait à Ku Murenge. Malgré tout cela, la jeune fille essaie de se remettre de cette histoire. Elle possède déjà une échoppe qu’elle exploite avec sa maman où elle vend certains produits qu’elle fabrique elle-même, dont des couveuses. Elle a d’ailleurs essayé de m’expliquer le processus de fabrication de couveuses, sauf que c’était du charabia pour moi. Elle a aussi un espoir : redémarrer ses projets phares et retourner à l’école pour affiner ses connaissances mécaniques qui sont déjà admirables.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion