Loin de la fournaise de Gatumba et son vacarme infernal, aux confins de Bujumbura dit ‘’Rural’’, à quelques encablures de la RN1, Mubimbi a accueilli les ‘’rescapés’’ de Gatumba. Comment vivent-ils ce changement d’espace et de vie ? Et surtout, quel est leur état d’esprit ? Un curieux y a fait un tour.
Par un après-midi ensoleillé du mois d’août, un groupe d’aventuriers lassés de suffoquer sous le ciel brûlant de Buja prend la RN1 pour aller passer quelques jours là où le climat est plus clément. Il ne s’agit pas seulement de voir du pays, mais de travailler aussi. Joindre l’utile à l’agréable, comme on dit. Parmi eux des reporters, des photographes, des vidéastes, etc. L’idée est de voir tout ce qui sort de l’ordinaire et d’y prêter une attention. 1ere destination : Bugarama dont la brume et la fraîcheur font rêver les citadins. Alors que la petite troupe est à mi-chemin de Bugarama, un des énergumènes se rappelle que les victimes des inondations de Gatumba ont été relogées à Mubimbi. « Et si nous y faisions un tour ? », propose-t-il. Intéressant, le début de notre ballade. Nous nous mettons d’accord. Arrivés à Kinama, on se renseigne pour savoir exactement où se situe le site des déplacés. Nous quittons la route macadamisée pour bifurquer sur notre gauche. Nous slalomons ensuite sur les crêtes des collines abruptes de ‘’Rural’’. On dirait une version miniature de la Cordière des Andes d’Amérique latine. C’est époustouflant, c’est magnifique le paysage, mais pas franchement pratique pour l’installation d’un site de déplacés. Le relief est accidenté certes, mais si les résidents y sont à l’aise, pourquoi les déplacés n’y vivraient pas ? Nous traversons les collines de Muzazi et Rugogo avant d’atteindre Gisagara où nous nous trouvons devant une pancarte indiquant que nous sommes arrivés au fameux site juché au sommet d’une haute colline. La terre y est très poussiéreuse et rougeâtre. De là-haut, on a une vue fantastique de 360 degré à la ronde. L’agglomération Bubanza trône au pied des collines de Bujumbura ‘’Rural’’, à une dizaine ou vingtaine de km. Nous laissons le véhicule pour aller à la rencontre des gens.
Un pasteur en herbe et des tentes estampillées UNICEF
Les gens vont et viennent dans le camp. Des enfants jouent et crient, des messieurs en bottes en caoutchouc avec des registres sous les aisselles, des jeunes qui se prélassent à l’ombre, plusieurs tentes blanches en bon état estampillées UNICEF. La vie semble suivre son cours normal, même si elle semble se dérouler au ralenti. Ce n’est pas la fébrilité de la Copa Cabana, mais les gens n’ont pas l’air triste et morose comme ceux qui vivent dans d’autres camps de réfugiés. On se sépare pour aller aborder les gens. Je prends la droite. Derrière une tente en bas, je tombe sur un groupe d’enfants en train de jouer. L’un d’eux joue au pasteur. J’approche silencieusement et j’entends dire : « Yesu arabakunda, nanje ndabakunda, kandi muzotunga » (Jésus vous aime, moi aussi je vous aimez, et vous deviendrez riche). Dis-donc, l’espoir est de mise, me dis-je. Quand ils me voient en train de sourire, tous éclatent de rire. Ils n’ont pas l’air malheureux en tout cas. Après quelques minutes, on brise la glace, et je commence à faire causette avec les gosses à bâton rompu. Je demande : «Muriga mbega ?» (Vous allez à l’école ?). « Oui, mais maintenant nous sommes en vacances », répond l’un d’entre eux. J’apprends que certains font l’école à Kanyanyi, à quelques deux ou trois km du camp. « C’est loin pour un enfant de 3 ou 4 ans qui doit faire aller-retour. L’UNICEF a promis de construire une école tout près du site », me dira plus tard un des responsables du camp. D’autres fréquentent l’Ecofo Matyazo située au chef-lieu de la zone.
4 203 enfants au site de Gisagara
Je continue de causer avec les enfants : « Avez-vous mangé ? ». « Oui, mais si tu as des trucs à nous proposer, on prend », répond le farceur du groupe, ce qui provoque le rire général dans l’assistance.
Je quitte la bande de gamins et continue la visite du site. Au détour d’une rangée de tentes, je découvre une bande de jeunes en train de taper dans un ballon de foot, sur un terrain aplani. Plus loin, je croise un des hommes en bottes en caoutchouc en train de causer avec un des copains avec qui je suis venu. Je le salue et j’en profite pour engager la conversation. Coup de bol, c’est un des encadreurs du camp. Je glane quelques infos : le site accueille quelque 1062 ménages, exactement 6 184 âmes qui vivent ici. Parmi eux, 4 203 enfants. Je m’étonne de la proportion élevée des enfants, mais le monsieur m’explique : il y a peu de parents parce que certains ont amené femmes et enfants et sont retournés surveiller leurs biens localisés là où ils habitaient avant. Et le monsieur nous sort la phrase magique : « Heureusement, nous prenons soin de tout ce beau monde grâce à l’appui des partenaires tels que l’UNICEF ». Justement, en ce qui concerne la prise en charge, le jour où nous y avons débarqué, une des organisations œuvrant au site de Gisagara procédait à l’enregistrement des cartes Sim des sinistrés. Au lieu de continuer avec la distribution des vivres, ce qui demande une logistique lourde, elle a opté pour un transfert de l’argent électronique. Chaque ménage aura donc droit à 140 000 Fbu pour 20 jours, a-t-on appris des bénéficiaires. Mais justement comment se présente l’appui de l’UNICEF ?
Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin
Si les enfants, mais pas que, du site de Gisagara ne semblent pas se morfondre dans la dépression après ce qui leur est arrivé à Gatumba, c’est parce qu’il y a des organisations qui sont à la manette. C’est notamment l’UNICEF. Ce dernier agit que ce soit au niveau du soutien social ou au niveau de la santé. Cela parce que les gens qui ont été touchés par les intempéries de Gatumba ont été traumatisés par ce qu’ils ont vécu, surtout les enfants qui sont très vulnérables. Il intervient aussi au niveau de la prise en charge sanitaire, sans oublier la scolarisation des enfants. L’UNICEF n’agit pas seul pour rendre efficace son action. Ne dit-on pas que ‘’Seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin’’. Il agit de concert avec d’autres partenaires tels que OMS, World Relief, SAD (Social Action for Development) partenaire de UNICEF. Sans doute que ce sont ces efforts conjugués qui allègent le quotidien des sinistrés délocalisés à Mubimbi. Sans doute que c’est pour cela que nous avons trouvé des sourires sur les visages des enfants du site de Gisagara. Nous avons donc repris la route le cœur léger, pour continuer notre périple.