Du 13 au 17 juin 2024, une campagne de riposte vaccinale contre la rougeole a eu lieu au Burundi. Alors que la baisse en couverture vaccinale était à l’origine de l’épidémie de rougeole au Burundi, une des causes de cette baisse est l’inquiétude des parents au sujet des vaccins. Docteur Ndorukwigira Franck Arnaud, Directeur chargé des soins à l’Hôpital Régional de Gitega, donne des éclaircissements à quelques préoccupations courantes.
Des inquiétudes des parents burundais à propos des vaccins ?
Oui, c’est une réalité plus fréquente dans les milieux urbains. Certains parents craignent que les vaccins soient dommageables pour leur enfant, d’autres ne comprennent pas comment vacciner des enfants déjà vaccinés lors des campagnes de vaccination. Là, c’est sans oublier que la plupart sont troublés par les fausses informations en ligne et les commentaires dans les médias sociaux. Et ces inquiétudes ont un impact négatif puisque ce sont eux qui justifient la baisse en couverture vaccinale au Burundi. Par exemple, en 2022, à Mukaza, le taux de la couverture vaccinale pour les vaccins de la rougeole pour les enfants de 9 mois était à 60 %, et 47 % sur le volet enfant complètement vacciné, malgré une cible visée de 80 %. Cela confirme pourquoi aujourd’hui, à cause de ces inquiétudes, nous trouvons dans les carnets mère-enfant lors des consultations pédiatriques des enfants insuffisamment vaccinés, qui ont reçu la première dose du vaccin puis ne retournent plus dans les centres de santé pour être à jour de leur vaccination.
Face à la méfiance des parents, que retenir du vaccin contre la rougeole ?
Le vaccin contre la rougeole est un vaccin comme tant d’autres. Il active le système immunitaire de l’enfant, afin que le corps puisse se défendre par lui-même contre ce virus. À la surface des bactéries et des virus, il y a des clignotants appelés « antigènes » que notre système immunitaire reconnaît. Lorsque notre corps rencontre les antigènes pour la première fois, il fabrique des soldats « anticorps » qui serviront à combattre la maladie. Ainsi, si une personne rencontre de nouveau ce virus plus tard dans sa vie, ses anticorps empêcheront la maladie de se développer.
Pour le vaccin de la rougeole, il contient des virus vivant, mais atténués, affaiblis, qui ont été traités en laboratoire pour les empêcher de causer la maladie. Il est effectué en combinaison avec celle contre les oreillons, la rubéole et la varicelle. Elle nécessite 2 doses, et elle est recommandée pour tous les nourrissons à 9 mois puis à 18 mois. Après 2 doses, l’efficacité du vaccin contre la rougeole dépasse 97 %, et dure toute la vie.
S’il dure toute la vie, pourquoi la réédition de ce vaccin ?
S’il dure toute la vie, pourtant la récente campagne de vaccination contre la rougeole visait 2 143 165 enfants de 6 à 59 mois déjà vaccinés. La raison est qu’aucun vaccin n’est efficace à 100 %, et l’OMS affirme que la plupart des vaccinations infantiles de routine fonctionnent chez 85 % à 95 % de ceux qui les reçoivent. Chaque enfant réagit donc à sa façon à un vaccin, ce qui signifie que toutes les enfants vaccinés ne développeront pas l’immunité. C’est la raison pour laquelle en cas de résurgence de l’épidémie, tous les enfants sont vaccinés.
En plus, certains vaccins nécessitent plus d’une dose selon leur calendrier vaccinal parce que le nombre de doses est établi selon les études faites lors du développement du vaccin. Il est possible qu’une dose ne permette pas de créer une immunité suffisante ou suffisamment durable dans le temps. Il sera alors recommandé que plus d’une dose soit administrée. C’est la raison pour laquelle le Burundi a instauré en 2013 la deuxième dose pour le vaccin de la rougeole pour des enfants déjà vaccinés.
Ce vaccin peut-il être responsable des troubles du développement de l’enfant ?
Non. Il n’y a à ce jour aucune preuve scientifique pour soutenir cette affirmation. Puisque les signes des troubles du développement peuvent se manifester à peu près à l’âge auquel les enfants reçoivent le vaccin de la rougeole, certains parents pensent que le vaccin est responsable de cette affection. Non, même l’article qui avait fait un lien entre le vaccin de la rougeole et l’autisme a été retiré de la revue dans laquelle il avait été publié car il était frauduleux.
Quels conseils donner aux parents ?
Se faire vacciner est le meilleur moyen d’éviter de contracter la rougeole ou de la transmettre. Les parents doivent savoir qu’à chaque fois qu’il dit non au vaccin, ils augmentent la vulnérabilité de leurs enfants face à cette maladie évitable, et font que la maladie resurgisse dans de pays qui l’avaient pratiquement éliminée comme c’est le cas au Burundi. Elle est donc un droit qui doit être réalisé pour tous les enfants burundais.
Tout en saluant d’ailleurs la décision du gouvernement du Burundi et l’Unicef, GAVI, OMS et l’Initiative Mondiale contre la Rougeole et la Rubéole (MRI) qui font que la vaccination au Burundi devient accessible, disponible et gratuite, j’inviterai ces parents à se rendre aux centres de santé les plus proches pour l’éclaircissement de n’importe quelles autres inquiétudes sur les vaccins.