article comment count is: 1

Camp de Musenyi : l’espoir renaît grâce aux espaces aménagés pour les enfants et les jeunes

Ils ont fui les balles, mais pas les cauchemars. À Musenyi en province Rutana, les ados congolais réfugiés tentent de survivre à ce que la guerre leur a volé : leur enfance, leur insouciance, parfois leur famille. Derrière leurs silences se cachent des blessures invisibles, mais aussi une force insoupçonnée. Reportage.

Il est 6 h du matin. Gitega, la capitale politique, s’éveille doucement. Moi, pas du tout. J’ai à peine fermé l’œil que me voilà entassé dans un véhicule cahotant, en direction du site de Musenyi, dans la province de Rutana, où sont hébergés plus de dix-neuf milles réfugiés congolais.

Dans mon sac : un carnet et un stylo. J’y avais noté une liste de questions à poser sur place. Je pensais à des statistiques, à des fiches d’information. Après un long et difficile trajet (je suis balancé à l’arrière d’une bagnole qui fait plus de trous dans la route que de kilomètres. Mon dos s’en rappelle mieux que mon cerveau). J’arrive enfin à Musenyi.

Des milliers de visages nous accueillent comme si nous étions des anges venus annoncer une nouvelle. Ils nous saluent en kiswahili, une langue que je capte peu. Après une longue observation, je constate qu’il existe tout un système. De petits enfants jouent à divers jeux, tandis que les adolescents.e.s se regroupent autour d’encadreurs.

Des blessures invisibles qui marquent leur adolescence

Curieuse comme l’exige mon métier et ma personnalité, je commence à poser des questions à certains responsables. Ils parlent de taux d’anxiété élevée chez les mineurs réfugiés.

Une histoire m’a particulièrement touchée. Ado de 15 ans, Rehema* m’a donné la leçon la plus percutante sur ce qu’est réellement la santé mentale, en situation de crise liée à la guerre : « J’avais 15 ans quand la guerre a éclaté dans notre village de Kamanyola. Mon père a été tué. Ma mère a fui avec moi et mes deux petits frères. À notre arrivée au Burundi, vers mars 2025, je ne parlais plus. Les bruits me terrifiaient, je faisais des cauchemars souvent, je refusais de manger. On m’a dit que je souffrais de stress post-traumatique. Moi, je croyais surtout que j’étais foutue. »

Comme elle, nombreux jeunes réfugiés congolais dans ce site, souffrent de troubles psychologiques liés aux violences vécues et à l’exil brutal : trouble de stress post-traumatique, isolement, dépression, anxiété, troubles de l’attachement ou encore troubles psychosomatiques, comme en témoignent les assistantes psychosociales. Selon ces professionnelles, ces douleurs invisibles mais profondes se traduisent souvent par méfiance constante, retrait social, douleurs physiques sans cause apparente, autant de signes de souffrance enfouie.

Espaces d’écoute et d’expression : clés pour la guérison

Face à cette détresse silencieuse, des dispositifs de soutien psychosocial ont été mis en place dans le site de Musenyi, notamment avec l’appui de l’UNICEF Burundi. Sur le site, l’«Espace Ami des Enfants », géré par la SAD (Social Action for Development), joue un rôle crucial. C’est là que Rehema* a commencé à se reconstruire et cicatriser ses fissures : « Une assistante psychosociale a commencé à venir trois fois par semaine. Elle m’a proposé de dessiner, puis d’écrire. J’ai craché sur le papier tout ce que la guerre m’avait arraché, mais aussi sur ce que je voulais devenir. Peu à peu, j’ai recommencé à parler. Puis j’ai aidé d’autres enfants à écrire leurs histoires. Pour la première fois, je me suis sentie utile. »

Lorsqu’un encadreur identifie des tels signes de souffrance mentale, il le réfère à une assistante psychosociale pour une première écoute. Si nécessaire, un suivi est ensuite assuré par un psychologue, formé pour prendre en charge les troubles spécifiques. Chaque adolescent·e est ainsi accompagné·es selon ses besoins.

Cette approche intégrée ne se limite pas au soin : elle redonne aux jeunes un sentiment d’appartenance, de sécurité et de dignité : « Aujourd’hui, je ne dis pas que tout va bien. Mais je sais que je ne suis pas seule. J’ai appris à transformer ma douleur en force. Un jour, j’aimerais devenir psychologue, pour filer un coup de main à d’autres comme on m’a aidée. » A-t-elle ajouté.

Des ressources limitées….

Mais là, les besoins sont immenses. Les assistants psychosociaux sont souvent surbookés. Et pourtant, chaque geste compte. Chaque espace sécurisé, chaque session de groupe, chaque dessin griffonné sur un vieux cahier peut faire une différence.

Oui, l’UNICEF en est conscient. C’est pourquoi il investit dans cette approche globale : non seulement protéger, mais réparer ; non seulement guérir, mais reconstruire. Parce qu’un enfant apaisé, c’est un adulte résilient. Et un adulte résilient, c’est un espoir pour toute une communauté. Alors, à ceux qui liront ces lignes depuis le confort d’un bureau ou d’un téléphone connecté : souvenez-vous que derrière chaque statistique de « personne déplacée » se cache un visage, un nom, une voix parfois muette, qui n’attend qu’une oreille.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (1)

  1. Merci infiniment Ghladis pour cette article émouvante qui ravive en nous la mémoire de nos frères et sœurs contraints à l’exil à cause de la guerre. Leur souffrance, leur résilience et leur espoir méritent d’être entendus et partagés. Ce rappel nourrir notre solidarité et renforcer notre engagement pour la paix.