A Bujumbura, les jeunes issus de familles aisées mènent une vie trépidante mais parfois dispendieuse. Ils roulent dans de belles voitures et fréquentent les bars les plus branchés de la ville. Cependant, cette vie fastueuse a son côté sombre et ce ne sont pas les tenanciers des bars qui diraient le contraire.
Le vendredi sonne le début du week-end. Les bars VIP de la capitale se préparent pour accueillir les clients nantis. Cependant, certains tenanciers de bars ne sont plus très sereins. « Le week-end est un dur moment pour nous. Souvent, on travaille à perte », confie Peter, gérant d’un des bars luxueux de Bujumbura.
D’après lui, un phénomène s’observe depuis un certain temps dans les bars VIP : des jeunes issus de familles aisées ne paient pas leurs factures. En l’espace de quatre ans, les impayés se chiffrent à plus de 200 millions BIF. « C’est une perte énorme causée par des jeunes de moins de 30 ans », précise-t-il
Pour ces jeunes, le week-end est souvent l’occasion de voir leurs amis pour des soirées bien arrosées. Peter ne mâche pas ses mots : « Ils ont plutôt tendance à trop boire, à tester leurs limites. Ils se lancent même des défis entre copains pour impressionner les autres. Ils font des tournées des boissons les plus chères. »
Un champagne à 800 mille BIF quand ils sont ivres
Éméchés, certains jeunes s’offrent des bouteilles de champagne à 800 mille BIF pour montrer à tout le monde qu’ils peuvent tout faire. Du coup, lorsque le serveur leur présente l’addition, ils apposent leur signature et s’en vont. « Voilà le vrai visage de certains jeunes issus de familles aisées. Ils roulent dans de belles voitures, habitent de belles maisons. Mais pour frimer, et à cause de l’alcool, ils vivent au-dessus de leurs moyens », ajoute Déo, un tenancier d’un autre bar à Bujumbura.
Estella, une autre gérante d’un des bars branchés de la capitale témoigne avoir perdu plus de 500 mille BIF parce qu’un jeune n’a pas payé ses consommations. « La majorité de ces jeunes abusent et profitent du statut de leurs parents pour s’endetter dans les bars », se plaint-elle.
« Vous savez qui est mon père ?»
Selon toujours cette gérante, le processus de recouvrement est très long. C’est un véritable combat. « Quand nous leur rappelons de régler leur note, des fois, ils nous menacent. » Il y en a même qui répliquent : « Vous savez qui est mon père? ». Certains paient une partie de la dette et recommencent à consommer. D’autres changent de bar et emmènent avec eux d’autres clients.
Cette jeune femme a adopté une stratégie pour recouvrer les dettes. Si un jeune consomme mais ne paie pas, on confisque son téléphone ou sa voiture. Il récupère son bien une fois qu’il a réglé la facture. Nonobstant, la stratégie ne marche pas à tous les coups. Parfois, la gérante s’est retrouvée accusée de se faire justice elle-même. « Nous perdions doublement : l’argent et les clients amis du mauvais payeur », parce que si ses amis lui proposent de venir chez nous, il n’ose pas leur dire qu’il nous doit de l’argent, mais préfère inventer une histoire médisante. « On ne pouvait pas continuer de travailler à perte. On a dû fermer le bar », regrette-t-elle.
Ce que Mme Estella ignore peut-être est que la loi est de son côté dans cette histoire. Consommer et partir sans payer est une infraction que la loi burundaise appelle grivèlerie. L’article 321, alinéa 1 du code pénal burundais punit cette infraction d’une servitude pénale de huit jour à deux ans et d’une amende de vingt mille à cent mille francs burundais ou d’une de ces peines seulement si celui qui, sachant qu’il est dans l’impossibilité absolue de payer, s’est fait servir, dans un établissement, des boissons ou des aliments qu’il y a consommés en tout ou en partie.