L’histoire de Junior* remonte à 2019. Pour être plus précis, au dernier jour de 2019. Peut-être que son histoire date mais, cet homme de 30 ans ne l’a jamais oubliée. Du 31 décembre au 1er janvier, tout ce qui s’est déroulé reste ancré dans son esprit. Junior a décidé de nous la raconter comme s’il revivait cette journée au présent. Prêtons-lui attention.
Je me réveille. Il est encore très tôt. J’ignore ce que me réserve cette dernière journée de l’année. J’ai le spleen. Tout semble immobile. J’ai l’impression de me perdre dans mes pensées. Je reste quelques minutes dans mon lit : les yeux rivés au plafond. N’avez-vous jamais eu cette impression après avoir ouvert vos yeux le matin, que le monde s’arrête devant vous ? Je décide de prendre mon téléphone. Qui m’a écrit ? Ah, le premier message qui attire mon attention : celui de ma copine. Je vais lui répondre après. Je dois avouer que les choses ne vont pas très bien entre nous ces derniers temps. Mon meilleur ami, John* aussi m’a écrit : « Hey, j’ai une meuf, je voulais un endroit bien sûr pour la caser, tu vois ? ». Ah ce c*n, il a encore trouvé une victime qui est tombée sous son charme et elle va se perdre dans ses bras. « T’inquiètes pas, je veux te laisser mon endroit. Tout le temps que tu voudras », je réponds à son message. Ma maison est-elle devenue maintenant son ghetto ? (jargon qui désigne une maisonnette choisie comme lieu où accueillir une jeune femme dans le but de coucher avec elle).
Hop ! Dans la douche. L’eau descend sur mon corps. J’ai la haine. Je fais tourner mes pensées autour des capacités presque démiurgiques de mon meilleur ami à séduire les femmes. Mon meilleur ami va faire traverser le 7e ciel une énième fille sur mon lit. Comment diable fait-il ? Je dois avouer un truc : je ne suis pas à l’aise avec les femmes. Heureusement qu’on me dit beau. Les femmes semblent être attirées par mon visage apollinien. C’est au moment où j’ouvre ma gueule que tout change. Elles n’ont plus l’impression de parler au Don Juan qu’elle espérait entendre. Au fond, j’envie mon meilleur John*. Je ne suis pas comme lui qui a l’audace et le culot de séduire une femme avec une aisance jupitérienne. A contrario, moi je me perds dans les bras de la première femme qui me porte un tout petit peu d’intérêt même si elle n’est pas à mon goût… Ma douche est finie.
« Je t’ai laissé la clé au-dessus de la porte, amuse-toi bien ». Je clique sur envoyer avec rage. Je vais voir un autre ami en attendant que mon pote finisse son travail. Il vit à deux pâtés de maisons de chez moi.
Du whisky à l’eucharistie…
J’arrive chez Dido* vers 8 heures du matin. Sacré Dido. Il a toujours des blagues. Des mots à dire. Il parle trop. Je l’aime. Toujours de bonne humeur : « Alors co**rd, qu’est-ce que tu fous là ? », Dido m’accueille. Je lui raconte que ma maison est en train d’être un champ de bataille. Il rigole. Quelques minutes après, Ciryl* arrive. Bourré, il a une bouteille de bajou (bière locale). « Les gars, j’ai passé une soirée diiiiiingue ! ». Cyril sentait l’alcool à casser le nez. Dans un laps de temps, nous voilà aussi noyés dans le vice de Dionysos. Je ne compte pas les bouteilles de Bajou que je déverse en moi. 13 heures, ecce (voici) la pâte de manioc. On mange comme des bêtes affamées, toujours une bouteille dans la main. « Les gars, moi je vais à la messe ce soir, vous venez ? », propose Cyril. Eh bien, l’habit ne fait pas vraiment le moine. Qui aurait cru que Cyril le plus ivrogne d’entre nous proposerait qu’on aille se recueillir dans la maison de Dieu ? L’idée est farfelue, folle même. On est saoul. Sur le point de lâcher les litres de boissons qu’on a gobés depuis le matin. Mais, comme je suis un enfant de l’Ecclésia (en effet, j’ai fréquenté le Petit séminaire), je ne rate jamais la messe du réveillon de la Saint-Sylvestre. Je prends la route vers chez moi.
Je ne sais pas comment je me retrouve dans la douche. Ni comment je suis déjà à l’église. La messe dure peu de temps, afin, c’est ce que je crois dans ma tête. Mon esprit vacille. Je suis ivre à mourir. Le temps passe si vite que je ne remarque pas la fin de la messe. « Les gars, on continue où ? », je lis dans un groupe WhatsApp dans lequel se trouve Cyril et d’autres amis aussi fous que lui. Je ne me rappelle plus l’heure, mais il est déjà minuit passé. Déjà un 1er janvier. On est maintenant dans un bar. Je ne sens plus mes sens. L’alcool déborde de mon corps. D’un coup, le soleil se dessine sur l’horizon. C’est vers 8 heures du matin que je rejoins mon lit. Ah mince ! Ce même lit qui a été le théâtre d’un acte de chair il y a 24 heures de cela. Je m’en fous. Je suis ivre. Je ferme doucement mes yeux en réalisant comment tout est allé si vite depuis ce 31 décembre 2019 jusqu’au premier janvier 2020.