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Rumonge : le calvaire d’Eliane battue jusqu’à l’avortement par son mari

Les violences basées sur le genre, en particulier les violences faites aux femmes, se commettent parfois dans l’indifférence de l’entourage. En milieu rural, les appels à l’aide des victimes se perdent souvent dans un silence complice. Ceci est un témoignage poignant d’Eliane (nom d’emprunt) qui a été battue par son mari jusqu’à l’avortement. Le professionnel de santé, touché par la cruauté dont la pauvre femme a été victime, n’a pas voulu que cette tristesse histoire passe inaperçue. Récit.

« Chaque patient qui entrera dans votre cabinet représentera une épreuve à réussir avec brio pour son bien », nous conseillait un sage professeur à la faculté de médecine. Fraichement plongé dans l’univers de la pratique médicale, j’atteste le bien-fondé de son conseil.

Il est presque 10 h du matin. Assis dans le cabinet de consultation, je gère sereinement la file d’attente qui s’étire au-dehors.

Parmi les patients qui attendent, il y a Eliane* une jeune dame dans la vingtaine. Quand vient son tour, en franchissant la porte, sa faiblesse physique capte mon attention. Elle s’est enveloppée de pagne sur la tête. Les stigmates de sa douleur sont visibles. Ses lèvres sont enflées, avec une petite plaie saignante en coin. A l’œil gauche, les paupières sont très tuméfiées avec impossibilité d’ouverture. Après une brève salutation, je l’invite à s’asseoir.

Frappée à mort par son mari, sans secours

« J’ai été frappée, tout mon corps n’est que douleur. Je viens me faire soigner. », me dit-elle, la tête baissée. Avec une voix emplie de tristesse, elle dévoile l’horreur vécue : « Tout ça, c’est l’œuvre de mon mari. En me frappant hier, il jurait de me crever un œil, tandis que mes cris de détresse se perdaient, ignorés, derrière les portes et fenêtres verrouillées. »

Elle signale que la cause de tous ses malheurs est un banal malentendu autour d’ustensiles de cuisine qui aurait mis le feu à la poudre. Elle renchérit en sanglots : « Tristement, cela s’est ajouté à une pire tragédie récente. Il y a deux semaines, il m’a battue violemment jusqu’à l’avortement de ma grossesse de deux mois. J’ai rapporté le cas à ma belle-famille, aux administratifs locaux, sans recevoir aucune assistance qui vaille. Et voilà que l’histoire se répète. » Les larmes coulent, inarrêtables, sur ses joues meurtries.

« J’en ai marre ! »

Elle poursuit, avec une voix chargée de lassitude : « Je suis épuisée ! Je ne veux plus partager ma vie avec un homme qui interrompt la vie de son rejeton sans remords, un homme qui pourrait mettre fin à mes jours à n’importe quel moment. J’en ai marre ! »

En l’écoutant attentivement, je réalise l’ampleur de ses blessures, bien au-delà du physique. Elle a besoin d’une prise en charge holistique. Une guérison qui transcende les soins médicaux.

Face à cette détresse, je prends conscience que mon cabinet ne peut offrir l’aide complète dont elle a désespérément besoin. Instinctivement, je me remémore une récente annonce de l’UNFPA Burundi sur ses réseaux sociaux, indiquant les centres spécialisés dans l’accompagnement des victimes de violences basées sur le genre. Rapidement, je retrouve la publication sur Facebook, note le numéro du centre Humura de Rumonge et passe l’appel. Ils acceptent de l’accueillir en précisant leur adresse.

Après lui avoir expliqué les soins et le soutien qu’elle recevra là-bas, elle accepte de s’y rendre sans délai. Elle me laisse dans le cabinet avec un sentiment d’amertume face à ce virus qui ronge notre communauté.

 

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