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Chronique d’une tragédie qui aurait pu être évitée

Il y a des histoires tragiques qui sont très difficiles à raconter avec de simples mots. Celle de Sopatra de Kiganda s’est terminée dans le sang, parce que son oncle, qui l’a engrossée à trois reprises, s’est rebiffé et a refusé de payer la pension alimentaire. Comment une histoire d’inceste s’est-elle transformée en un simple procès de demande de pension alimentaire au civil ? Cette négligence a coûté la vie à la jeune femme. On vous raconte tout. 

Sopatra Nakintije, 30 ans, était une jeune fille sans histoire. Elève en 10ème à  Musongati, son oncle lui, un certain  Protais Bukuru, était éducateur à l’Ecofo Taba. Il commence à lui proposer des cours du soir, chose que la famille trouve tout à fait normal. Les jours passent et l’oncle devient de plus en plus proche de celle qui deviendra sa victime dans tous les sens du terme. 

Quelques mois plus tard, l’inévitable arriva : Sopatra tombe enceinte de son oncle. Mais ce dernier ne veut pas que cette relation contre-nature soit révélée au grand jour. Il fait jurer à sa nièce de ne jamais avouer qui est l’auteur de la grossesse. En retour, il lui promet de prendre soin d’elle et de l’enfant à naître. Chose promise chose due. Sopatra met au monde et garde jalousement le secret concernant l’auteur de la grossesse. Entre temps, elle abandonne l’école pour s’occuper de l’enfant. 

Le voile tombe

Comme nous le raconte Godelieve Nizigiyimana, la maman de Sopatra, une année passe, Sopatra retourne à l’école. Mais elle tombe enceinte une deuxième fois. Elle garde de nouveau le silence sur le géniteur. C’est lorsqu’elle tombe enceinte une troisième fois que sa mère exige des explications. Toute la famille insiste pour qu’elle révèle le père de ses enfants. Sa mère, très en colère amène Sopatra chez l’administrateur de Kiganda pour en savoir plus sur le secret que cache sa fille. L’administrateur prend l’affaire au sérieux. Il tire les vers du nez de la jeune femme. Elle finit par dire la vérité. Le père de ses enfants n’est autre que son oncle. La maman de Sopatra manque de tomber dans les pommes, tellement cette histoire la bouleverse. 

L’oncle est vite convoqué. Il ne nie pas les faits. On lui enjoint d’inscrire les enfants qu’il a eus avec sa nièce. Il s’exécute sans problème et signe même un papier où il s’engage à donner la pension alimentaire à la mère et aux enfants. Jusque-là, personne ne pense à l’inceste ou au viol. L’affaire se gâtera lorsque l’oncle se dispensera de payer la pension alimentaire comme convenu. C’est cela qui va déclencher la tragédie qui aura lieu par la suite. 

Les ratés du procès

Sopatra porte l’affaire au Tribunal de résidence (TR) de Kiganda. Le 18 novembre 2019, celui-ci ordonne à Protais de verser une pension alimentaire équivalente au quart de son salaire à Sopatra pour élever les enfants et de fournir une assurance maladie (une carte de la mutuelle). Protais ne l’entend pas de cette oreille et entreprend un recours au Tribunal de grande instance (TGI) de Muramvya. Le 29 avril 2020, le TGI renforce la décision du TR de Kiganga. Il va plus loin et ordonne à Protais de donner un lopin de terre que Sopatra exploitera pour élever les enfants. Protais interjettera appel, mais sera débouté. 

Remarquons que, jusque-là, l’affaire est traitée au civil. Or, le code pénal burundais qualifie d’inceste le fait d’avoir des relations sexuelles entre une personne et un enfant de ses frères ou sœurs germains, consanguins ou utérins, ou avec un descendant de celui‐ci (article 555). Il punit ces faits d’une servitude pénale comprise entre 2 et 5 ans. Ce n’est pas cela seulement. Le fait qu’un éducateur fasse des rapports sexuels avec une élève constitue des faits de viol. Si le viol est commis sur un(e) mineur(e), la facture devient très salée (article 579). Tout cela n’a pas été tenu en considération par les différentes juridictions saisies dans cette affaire. 

La fin tragique de Sopatra

Protais qui ne veut toujours pas payer la pension alimentaire, va élaborer un plan diabolique pour éliminer Sopatra. Il l’appelle un jour pour lui signifier qu’il est prêt à s’acquitter de son devoir. Il lui fixe un rendez-vous très tôt le matin. Naïve, Sopatra se rend au rendez-vous. La suite est que Sopatra sera retrouvée agonisante dans une plantation d’arbres. Elle avait reçu des coups de machette, sa tête était presque fendue en deux. Elle sera conduite à l’hôpital de Kiganda ou elle succombera à ses blessures. Protais sera vite arrêté. Après enquêtes, il sera accusé de meurtre avec préméditation. Il croupit actuellement à la prison centrale de Mpimba où il purge une peine de servitude pénale à perpétuité. Il doit aussi verser des dommages et intérêts de 2 millions de Fbu à la famille de la victime. Cependant, cela ne ramènera pas Sopatra, partie dans la fleur de l’âge.  

 

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