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Chronique judiciaire : la dame de Mbuye à la quête de justice

L’infertilité, c’est connu, peut devenir une source de conflit dans les couples, a fortiori, dans un pays où une progéniture nombreuse est synonyme d’honneur et de richesse. Parfois, même avoir un seul enfant peut ne pas suffire pour apaiser un mari burundais. C’est ce qui est arrivé à Denise de Mbuye, dont le couple s’est disloqué parce qu’elle n’a eu qu’une fille unique. Des années de querelles familiales n’entameront en rien sa volonté implacable de réclamer ses droits face aux VBGs dont elle était victime. Récit. 

C’est l’histoire des déboires d’un couple qui se transforment en violences économiques, puis en violences physiques, après que Denise Ndayishimiye ait convolé en noces en octobre 1985. Une année après, la famille accueille son premier enfant. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La petite famille nage dans le bonheur. Elle est loin d’imaginer que cette mer de tranquillité et de bonheur cache une tempête qui va tout faire chavirer. Les années passent, mais le deuxième enfant ne vient pas, et c’est cela qui va devenir la pomme de discorde entre les époux. 4, 5, 6 ans vont passer sans que Denise ne conçoive un autre enfant. Le mari, ‘’qui avait pris son mal en patience’’, commence à aller voir ailleurs. Il entretient une première relation avec une fille de la même colline, mais cette dernière ne parvient pas à concevoir non plus. Il devient carrément un coureur de jupon à la quête de ce 2ème enfant qui ne vient toujours pas, même s’il enchaîne des relations extraconjugales. Tout cela, Denise le sait, mais elle fait semblant de ne pas le voir. 

Ce qui devait arriver arriva 

Les turpitudes de son mari commencent à faire jaser sur la colline Kigina. Monsieur décide d’amener sa conquête du moment à Bujumbura. Il passe avec elle une année sans avoir cet enfant tant attendu. Un jour, il monte à Kigina pour y passer quelques jours. Il en profite pour passer quelques jours avec une veuve voisine. Entre temps, il fait un business à Gitega qui marche plutôt bien. Trois mois après, il apprend que sa concubine de Bujumbura est tombée enceinte ainsi que la veuve avec laquelle il a passé quelques jours.

C’est à partir de là que la relation avec sa femme devient exécrable. Il ne vient pratiquement plus chez elle. Elle est obligée de se débrouiller pour survivre. Avec de la chance, le projet Prodefi donne une vache à Denise qu’elle élève à côté de l’agriculture qu’elle pratique sur la propriété familiale. Des années passent. Tant bien que mal, Denise essaie de survivre avec l’enfant dont le mari ne s’occupe plus. La vache met bas et c’est à ce moment que le spectre de son mari resurgit. Il revient avec une idée en tête : prendre le veau que la vache a donné pour l’offrir (kugabira) à l’enfant de sa concubine qui vit désormais pas très loin de chez Denise. Cette dernière s’y oppose fermement. 

C’est le début d’un autre épisode compliqué pour le couple. Le mari cherche à s’imposer par le forcer et donne le veau à l’enfant de sa concubine. Sa femme finit par aller se plaindre. Elle n’allait pas permettre que les fruits de son dur labeur soient attribués à une autre, qui plus est, sa concubine. Elle provoque par la même occasion l’ire de son mari et de sa belle-famille qui trouvent qu’elle n’avait plus droit au chapitre du moment qu’elle ne pouvait pas assurer une descendance à son mari. Ce dernier ne vient que rarement dormir chez Denise, alors qu’ils faisaient déjà chambre à part depuis des années. Soit il était à Gitega où il exerce son business ou chez ses concubines. 

La bataille des prétoires

En 2017, Denise en a marre. Elle ne tolère plus que son mari, en plus de la tromper, lui prenne sa vache qu’elle a élevée seule, pour la donner à une concubine. Elle porte l’affaire devant le Tribunal de résidence de Mbuye puisque les notables collinaires, dont un était le frère de son mari, ne veulent pas lui rendre justice. Quand le mari apprend qu’elle est allée au tribunal, il devient furibond. Alors que la procédure traîne en longueur, elle entend parler du Cafob qui assiste les victimes de VBGs où elle se rend pour solliciter une aide. Le tribunal lui donne finalement raison et oblige son mari à ramener le veau à la maison. Il s’exécute à contre cœur. Ils sont désormais à couteaux tirés. 

Quelques mois plus tard, il inventera un stratagème pour pouvoir quand même récupérer le veau en question. Il convaincra Denise qu’il voulait acheter un lopin de terre pour avoir sa permission. Naïve, elle le laisse faire, sauf qu’elle ne verra jamais la couleur de l’argent. Son mari préféra acheter un lopin de terre, pas pour Denise et son enfant, mais pour le garçon de la concubine. Il intentera aussi un procès contre sa femme pour demander l’attribution d’une partie de la propriété familiale que Denise exploite aux enfants qu’il a eus avec ses concubines. Le tribunal décidera de chasser les concubines et d’attribuer l’éducation de ces enfants à Denise. 

Tentative de meurtre et épilogue

Un soir, pendant que Denise est seule à la maison (sa fille étant mariée), quelqu’un s’introduit silencieusement dans la maison par effraction. Soudainement, il l’attrape par la gorge et tente de l’égorger. Elle sent la mort venir. Elle essaie de crier, mais les sons sont étouffés par l’emprise de son agresseur. Les voisins qui entendent vaguement des bruits approchent pour voir ce qui se passe. L’intrus lâche prise et s’enfuit dans la nuit. Elle est sauvée in extremis par les voisins qui l’amènent au centre de soins. Le lendemain, elle porte plainte. Les enquêteurs ne trouvent rien qui incrimine son mari qui avait un solide alibi. Mais cela fut comme une sonnette d’alarme. Le procureur descendra par la suite en personne pour avertir les autorités collinaires avec un message clair : si quelque chose arrive à Denise, ils auront à répondre devant la justice. « Depuis 1999, quand la mésentente entre moi et mon mari a éclaté au grand jour, c’est maintenant que je me sens en sécurité. Le tribunal a enfin procédé au partage de toute la propriété familiale. Tout est presque accompli. Il (son mari) souffrait de l’hépatite depuis quelque temps. La maladie s’est aggravée. Il a été hospitalisé à Kiganda. Au mois de février de cette année, il est décédé. Paix à son âme ». Avec une voix où on devine l’amertume, Denise conclut : « C’est Dieu qui verra désormais ce qu’il mérite après ce qu’il m’a infligée ».  

Au total, la province de Muramvya a enregistré 234 cas de VBGs dont 216 concernant les femmes et 18 cas concernant les hommes. Parmi ces cas, 125 étaient des violences économiques, 40 cas de violences psychologiques, 21 cas de violences physiques et 63 violences sexuelles. Parmi ces 63 cas de violences sexuelles, 48 cas concernaient des viols, tandis que 15 cas concernaient des violences conjugales. 

 

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