Un frère qui concocte un plan avec un domestique pour que ce dernier engrosse sa sœur, voilà une histoire glauque, n’est-ce pas ? Violée par le gardien de vaches de la maison, enceinte jusqu’aux dents, une fille de Fota, en province Muramvya, sera amenée à vivre dans la famille de son violeur. Un mariage forcé, sous les auspices d’un de ses frères sera organisé. Et elle vivra un drame, jusqu’à ce qu’elle décide de tout plaquer et de revendiquer ses droits. Un scénario digne de la série Abaniga 2 n’ibebi ? Non, une vraie tragédie vécue par une certaine Séraphine. Voici son histoire.
« Tout ça est arrivé, en partie, à cause de mes règles douloureuses. Dès que j’avais les règles, tout n’était que douleur. J’avais surtout ‘’umusonga’’ qui transperçait mes côtes droites. Il arrivait que je passe deux ou trois jours au lit. Mes sœurs s’étaient déjà mariées. Mes frères voyaient d’un mauvais œil le fait que je reste à la maison alors que j’avais déjà atteint l’âge nubile. C’est cela qui est à l’origine de mes mésaventures. Alors que j’étais clouée au lit par mes règles, le domestique entra et me viola, sans autre forme de procès. Je n’ai pas eu la force de me battre. Il est ressorti aussi furtivement qu’il était entré. Mes douleurs ne sont plus apparues. Après trois mois, il m’a narguée en me demandant si je sentais encore mes douleurs pendant les règles. J’ai réalisé que ça faisait un temps que je ne les ressentais plus. Il m’a alors dit : uragenda twarihuriye, narakugemye sha ! (Je t’ai eue) », raconte Séraphine Gakeme, une dame de 59 ans de la colline Kanyami, commune Fota.
Un violeur devenu mari
Après cela, le domestique abandonnera son travail et rentrera chez lui, sur instigation de son frère, soupçonne Séraphine. Quand la grossesse en était au 7 mois, elle sera poussée à aller vivre dans la famille de son violeur. S’en suivront des événements bizarres où son père cherchera à la faire rentrer à la maison, en vain, car ses fils étaient opposés à cette idée. Quelques temps plus tard, elle sera amenée de force au bureau de la commune pour être mariée, contre son gré, à son violeur. Elle s’en rappelle comme si c’était hier : « C’est mon frère qui a pris mon pouce et qui l’a apposé sur le tampon puis sur un document que l’administrateur avait déjà préparé et sur lequel mon « violeur et mari » venait d’apposer sa signature. C’est comme ça qu’on m’a mariée. L’administrateur a demandé au nouveau marié de payer 5 000 Fbu. Ce dernier a répondu qu’il n’avait pas cette somme. Mon frère est intervenu directement et a sorti la somme requise de sa poche pour payer ».
Retour au bercail
C’est ainsi que la dame de Fota sera obligée de vivre avec son violeur, avec la bénédiction de son frère et de l’administration. Sauf que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Séraphine souffrira, parce que son « mari » ne s’occupait pas du tout d’elle et que sa belle-famille ne faisait rien pour l’aider. Au bord de la dépression, elle décidera contre vents et marées, de retourner chez ses parents. Ces derniers sont contents de récupérer leur enfant (pas du tout en bon état) et leur petit-enfant, à l’exception d’un de ses frères, qui voit d’un mauvais œil son retour, alors qu’il avait tout fait pour qu’elle quitte le domaine familial.
Séraphine, traumatisée et affectée mentalement, sera soignée par ses parents qui feront tout pour la remettre sur pieds. Une fois remise, son mari essayera de la récupérer. A cause de la peur que lui inspirait son frère, elle décida de se remettre en couple avec son ancien violeur. Sauf que les maltraitances vont recommencer après avoir mis au monde son 2ème enfant. En 1997, elle jettera l’éponge encore une fois et décidera de revenir chez ses parents et enfin faire face à son frère.
La phase judiciaire
Elle revient avec la ferme intention de rester et le fait savoir à son frère : « Ubu ushaka unzomene ijisho nsigarane rimwe, canke umene ugutwi nsigare numvisha kumwe, ntuzosubira kunyomora ». (Maintenant, si tu veux, crève-moi un œil ou arrache-moi une oreille, mais tu ne me chasseras plus). Elle ramène même ses deux enfants. Malheureusement, ses parents décèdent. C’est sa mère qui part en premier, suivie par son père qui passe l’arme à gauche en 2021.
Elle vit à couteau tirer avec son frère. Ce dernier lui retirera même les lopins de terre que le père avait attribués à Séraphine pour subvenir aux besoins de ses enfants. Son père, sentant que sa fille risquait d’avoir des problèmes quand il mourra, avait décidé de donner en héritage une partie de la propriété foncière. Certains de ses frères s’y sont énergiquement opposés. Ils décideront de lui attribuer un petit lopin de terre qui ne satisfait pas Séraphine. Elle décida de porter l’affaire devant le Tribunal de résidence de Kiganda avec l’accompagnement du Cafob. Cependant, l’issue du procès qui lui attribuera un lopin de terre de 50 m sur 20, ne la satisfera pas. Elle exercera un recours au Tribunal de grande instance de Mwaro qui lui donnera finalement raison et se prononcera en faveur d’un partage équitable de la propriété.
C’est autour de ses frères d’interjeter appel à la Cour d’appel de Bujumbura qui se prononcera elle aussi en faveur de Séraphine. Actuellement, c’est l’exécution qui pose problème. Elle devait avoir lieu le 22 septembre 2023, mais elle n’a pas été faite, car toutes les parties concernées n’étaient pas présentes. Un deuxième rendez-vous a été fixé au 04 octobre de la même année pour l’exécution du jugement rendu, mais lui aussi n’a pas été respecté du fait qu’un des frères a demandé son ajournement, car il y aurait un autre lopin de terre qui est situé ailleurs sur lequel le tribunal ne s’est pas prononcé et qui ne faisait pas objet du litige. Voilà où en est le procès.
En vérité je manque de quoi à dire mais il faut que les autorités judiciaires facent une descente du lieu pour faire une execution forcée afin de rendre justice à cet innocente.