C’est l’histoire d’une jeune fille de la commune Mugamba qui a été violentée pour avoir voulu défendre son droit et celui de sa fratrie sur la propriété familiale, à la mort de leurs parents. Maltraitée par ses oncles, ne sachant où donner de la tête, elle s’est confiée au curé de la paroisse qui l’a amenée voir un OPJ et puis l’a conduite au bureau du Cafob pour assistance. La rédemption viendra de la justice qui a fini par trancher en faveur des orphelins. Comme quoi le chemin de la justice est long, mais il finit par payer.
Tout commence en 2006 quand le dernier parent décède. C’est à Emelyne Kwizera que revient la responsabilité d’élever son frère et ses 4 sœurs. Elle a seulement 17 ans quand elle se retrouve à la tête de la famille. Certains membres de la famille de son père commencent alors par lui interdire de louer leurs lopins de terre alors qu’il y avait déjà eu le partage du patrimoine familial du temps de son père, en 2005. « J’ai commencé à avoir des problèmes quand j’ai refusé qu’on spolie nos terres. La famille paternelle s’est liguée contre nous. Les voisins de la colline Ruhinga en zone Nyagasasa ont demandé aux oncles de nous respecter dans nos droits. J’ai demandé ‘’gusibura akarimbi’’ (refaire le bornage de la propriété). Ils ont refusé, car le partage de la propriété s’était fait dans le cadre familial sans l’intervention de la justice ».
Un jour, une querelle entre elle et la femme d’un de ses oncles éclata. Cette dernière l’a battue sérieusement au point où elle a été obligée d’aller se faire soigner. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Après une dizaine d’année, Emelyne finit par se confier au curé de la paroisse Mugamba. Celui-ci prit le problème très à cœur et conduisit la jeune femme au commissariat de police de Mugamba dans sa propre voiture. C’est ainsi que la roue de la justice s’est mise en marche.
La peur a changé de camp
Les oncles récalcitrants ont subi les remontrances de la justice. Celle qui l’a battue fut obligée de lui verser une somme de 56 mille Fbu qu’elle a dépensée pour se faire soigner. Devant la justice, la peur changea de camp. En 2019, le procès intenté au Tribunal de résidence de Mugamba, donna raison aux orphelins, représentés par Emelyne sous l’assistance d’un juriste du Cafob.
Actuellement, Emelyne attend l’expiration du délai de recours pour demander l’exécution du jugement qui déterminera la délimitation de la propriété foncière appartenant aux orphelins. Mais par-dessus tout, les oncles ont arrêté le harcèlement qu’ils exerçaient sur la famille. Ils savent désormais qu’ils risquent gros s’ils essayent encore une fois de maltraiter les orphelins.
En attendant, Emelyne a retrouvé la confiance en elle. Elle remercie la justice d’avoir été impartiale et d’avoir fait son boulot. En réalité, ses oncles s’en prenaient aux orphelins parce que la plupart d’entre eux étaient des filles (5 filles et 1 garçon). C’est cela qui a fait beaucoup de mal à Emelyne et l’a poussée à se battre jusqu’au bout.
Se taire n’est pas une option
« J’espère qu’ils réaliseront qu’ils ont mal agi et qu’ils me demanderont pardon, parce qu’ils m’ont fait du mal pendant des années. La solution de se taire n’en est pas une. Si je m’étais tue, ils nous auraient sûrement chassés de nos terres. Les adages rétrogrades comme « Honyorerako » (tout endurer) ne doivent plus avoir de la place. Les temps ont changé ».
A cet adage‘’Honyorerako’’, Emelyne répond désormais : « Akataretse kaba gasema » (qu’on pourrait traduire par le retour du bâton, quand on persiste dans sa bêtise) : « Les filles et les garçons doivent avoir les mêmes droits », lance Emelyne pour clore l’entretien.
D’après les données recueillies auprès du bureau du Cafob à Bururi, 145 cas de violences basées sur le genre ont été enregistrés entre août 2022 et août 2023. Parmi ces cas, 97 concernaient les violences économiques.