Panique, incompréhension, et même parfois soulagement,… les Burundaises ne vivent pas de la même façon leurs premières règles. Clarisse, 23 ans, les a eues à 14 ans. Elle se rappelle encore de cette expérience mémorable, comme si c’était hier. Récit.
C’était un matin du 15 janvier 2012. La date est restée gravée dans ma mémoire. J’avais 14 ans. Toutes mes copines les avaient déjà eues entre 11 et 13 ans. Mes copines aimaient me taquiner que je n’étais pas normale, que je n’aurais pas d’enfants. Après ça, j’ai toujours eu envie d’être plus grande que je ne l’étais. Je voulais devenir une adulte, une femme. Du coup, j’attendais mes règles avec impatience. Pour moi, ça représentait mon entrée dans le monde des « grandes ».
Ce matin-là, nous avions une sortie. J’étais dans une école à régime d’internat. Ma hantise principale était que mes règles débarquent sans prévenir quand je serais en classe. J’avais vu les moqueries et la honte que subissaient les filles de la part des garçons. Les règles, je savais ce que c’était. Ma mère m’avait déjà dit qu’un jour, je verrais du sang couler entre mes jambes. « Que ça ne t’alarme pas, ce sera normal, car c’est un passage obligé pour les filles », m’avait indiqué ma mère. Elles ont débarqué sans prévenir. C’est une camarade qui m’a donnée une serviette de protection. J’étais tellement heureuse. Avec cette première « coulée », c’était comme si un poids venait de m’être retiré. Mes vœux ont été exaucés. Et d’ailleurs, ce jour-là, c’est la seule fois où j’ai eu droit à une vraie discussion sur la sexualité.
Confuse mais heureuse
Avant de rentrer à la maison ce jour-là, j’imaginais ce que serait la réaction de ma mère. Elle qui était toujours émue aux larmes par la moindre nouvelle étape de ma vie. Elle m’a regardée, une larme à l’œil, et m’a chuchoté : « Ooooh ça y est, mon bébé est une femme ! ». Pour me féliciter, elle m’a offert un bon fanta Orange. Mon père dès qu’il l’a su, m’a même donné de l’argent. C’était la fête. J’étais un peu confuse, mais heureuse grâce à ce truc que mes copines géraient depuis des années, et à cause duquel je passais jusque-là pour un bébé, hahahaah !
Avant de retourner à l’internat, ma mère est partie m’acheter des serviettes, et m’a expliqué comment les utiliser. Elle m’a ensuite emmené dans sa chambre, et comme toute mère, m’a expliqué comment faire l’hygiène intime. Elle m’a aussi expliqué pourquoi je devais être dorénavant prudente avec les garçons, sous peine de tomber enceinte.
Plus tard le bonheur est devenu un cauchemar
Trois mois plus tard, ce qui était du bonheur pour moi est devenu un cauchemar. Mes menstruations ont commencé à devenir douloureuses. Trop douloureuses même. Il m’arrivait de rater toute une journée de cours. Si j’avais des évaluations, je prenais des comprimés même si mes copines me disaient que c’était mal, que ça pourrait me rendre stérile. Je n’avais pas d’autres choix. Les professeurs ne donnaient des rattrapages que sur présentation des papiers médicaux. Mais qui donne des papiers médicaux pour des menstruations au Burundi ? Personne!
Maintenant je suis habituée, même si on ne s’habitue pas à la douleur. Je n’ai pas d’autres choix. Oui, j’ai vécu mes menstruations, mais ça me soulagerait de savoir comment soigner ces douleurs. Please, help!