article comment count is: 0

Harcèlement sexuel : un combat contre un employeur

En 2020, un nouveau code du travail punit le harcèlement en milieu du travail. Cependant, en 2021, plus de 70 travailleuses domestiques ont été harcelées par les employeurs. Témoignage.

Ubiquiste depuis des décennies dans les familles de Bujumbura, la figure de la « bonne » est familière à tous les citadins. On rencontre partout en ville des travailleuses domestiques, que le langage courant persiste à appeler « abayaya ». Pourtant, peu savent le calvaire des violences et du harcèlement sexuel qu’endurent ces adolescentes.
Jeanne* une jeune travailleuse domestique âgée de 23 ans se dit habituée au harcèlement dans le milieu du travail. « Depuis 2018, je suis harcelée dans le milieu du travail. Pour le moment, je me sens soutenue parce que mon amant me conseille de ne pas céder. »

Harcèlement sexuel et agressions, lot des travailleuses domestiques

Tout a commencé en février 2018 quand la jeune fille décrochait son diplôme d’infirmier. Comme la majorité des jeunes diplômés burundais, Jeanne* n’a pas pu décrocher un emploi au ministère de la fonction publique. Pour subvenir aux besoins élémentaires notamment les serviettes hygiéniques et les habits, elle a quitté sa commune natale, Matongo en direction de Bujumbura pour exercer le métier de travailleuse domestique.

Très vite, l’enfer des agressions sexuelles a commencé. Après une semaine, Jeanne* a reçu des avances de son patron. « Il ne cessait de me toucher quand son épouse était au travail ou se trouvait dans une autre pièce », raconte-t-elle, la gorge nouée par l’émotion. Quand ce patron rentrait tard dans la nuit, il avait l’habitude de se faufiler dans la chambre de la bonne pour la violer. Mais la victime était toujours aux aguets « Je restais éveillée. Avant de dormir, je devais m’assurer que le boss s’était endormi »

Jeanne* se trouvait dans une situation extrêmement difficile lorsqu’elle restait seule à la maison avec son patron qui la harcelait sexuellement. Effrayée et par crainte des représailles, la jeune fille n’a jamais osé dénoncer ces agressions. Elle avait aussi peur : « Où s’enfuir ? Qui appeler au secours ? Qui va me croire ? ». Pourtant, Mabuja (la patronne) le savait, mais elle n’osait pas affronter son mari, elle se vengeait donc contre la bonne en l’insultant sans cesse. Parfois, elle la frappait.

Une victime incomprise par ses collègues

Début 2021, la jeune fille a jeté l’éponge : « Je ne pouvais plus supporter le harcèlement du parton et la maltraitance de sa femme. » Elle a cherché un autre emploi qu’elle a vite décroché en commune Muha. Après trois mois, jeanne a constaté qu’elle est tombée de Charybde en Scylla. Elle a subi le harcèlement du fils de son employeur.

Les agressions ont continué. Jeanne* a changé d’employeur à maintes reprises… Rien n’y faisait. Les harcèlements sexuels se répétaient indéfiniment. En plus, Jeanne* est victime du regard de ses collègues : « Tout le monde pensait que je suis paresseuse parce que je change souvent d’employeur. » Après des années de violences, elle a donc pensé à céder.

Quid de la loi ?

Le représentant du Collectif des Associations des Travailleurs Domestiques, Richard Manirambona tire la sonne d’alarme : « Les travailleuses domestiques sont les plus touchées par le harcèlement sexuel. L’année dernière, on a recensé plus de 70 cas »

Ce défenseur des travailleurs domestiques explique que la loi du travail de 2020 interdit le harcèlement sexuel, y compris les abus de l’autorité, les fortes pressions ou menaces de violence physique ou psychologique pour obtenir des faveurs sexuelles. Malheureusement, elle est toujours méconnue par les travailleuses domestiques.

Selon le code du travail, en son article 22, le travailleur ne doit subir des faits de harcèlement sexuel constitués par des propos ou des comportements à connotation sexuelle portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ou créant à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
De surcroît, le travailleur ne peut être licencié où faire l’objet d’une mesure discriminatoire en matière de rémunération pour avoir subi ou refusé de subir des faits du harcèlement sexuel. Le coupable d’harcèlement sexuel est puni d’une peine d’un mois à deux ans de prison et d’une amende de cent mille francs à cinq cent mille francs burundais. Lorsque la victime est un (e) mineur (e), le jugement double.

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion