article comment count is: 2

« Abayaya », ces moutons noirs de la société burundaise

Elles sont jeunes. Elles sont au four et au moulin. Elles se plient en quatre pour satisfaire nos moindres désirs. Hors le fait que leur travail s’inscrit dans une sorte de zone grise juridique, c’est presque un réflexe inné de les traiter comme des sous-hommes, qui n’ont qu’un seul droit : celui de ne pas en avoir. Certains les transforment en poupées sexuelles avec lesquelles ils jouent en cachette, avant de les jeter sans état d’âme quand ils les engrossent. Et si nous les considérions comme des humains ?

Comment en sommes-nous venus à considérer nos semblables comme des êtres inférieurs taillables et corvéables selon notre bon-vouloir ? Des jeunes filles quittent leurs familles modestes pour essayer de gagner honnêtement leur vie. Arrivées dans nos foyers, elles découvrent la désagréable réalité de l’égoïsme de leurs semblables. Elles doivent s’effacer. Quand bien-même elles doivent nous servir, elles doivent être invisibles et le rester. Si elles doivent rester dans la basse-cour, ce n’est pas le code du travail qui va les sortir demain. S’il parle bien des travailleurs domestiques, il n’a pas encore suivi de texte d’application qui doit encadrer leur travail en pratique.
Mais ce n’est pourtant pas cette lacune juridique qui fait peur. C’est plutôt le traitement que nous leur réservons quand elles sont à notre service. Parfois, elles doivent s’occuper des enfants qui ont leur âge, mais très peu sont les mères qui expriment de la compassion à leur égard comme à leurs enfants. Au contraire, ce sont elles qui les malmènent pour des broutilles.

Pire, les cas de « bonnes » engrossées par les chefs de ménages ou leurs rejetons pour lesquels elles travaillent sont de plus en plus fréquents. Et quand surviennent ces cas de figure, c’est le début de calvaire pour ces jeunes filles qui sont très souvent reniées par les auteurs de ces grossesses non-désirées. Passons sous silence le fait que les violences sexuelles dont elles sont victimes aboutissent souvent à des arrangements à l’amiable (pourtant punies par la loi sur les VSBG). Certaines retournent vivre dans leurs familles quand ces dernières ne les rejettent pas. D’autres ne savent pas quoi faire et sont obligées de se prostituer pour élever, seules, des enfants qu’elles n’ont pas voulus. « J’avais peur de ne plus pouvoir sortir de cette spirale », voilà une phrase de Diane, une fille de Bwiza, qui résume le désarroi de celles qui ont tout perdu pour avoir été forcées d’avoir des relations sexuelles ou de céder à un moment de faiblesse.

Rester cachée pour vivre heureux ?

Pour les plus chanceuses, les auteurs acceptent de leur venir en aide, ce qui est la moindre des choses, sauf qu’ils doivent le faire en cachette pour que leur famille ou leur entourage ne le sachent pas. Cela parce que c’est considéré comme une honte de coucher avec une domestique, qu’on l’aime (ce qui est encore une pire abomination pour certains) ou pas. Une question à ce propos : si c’est honteux de coucher avec elles pourquoi vont-ils les chercher ? Excusez cette petite digression qui a quand même son sens dans la présente réflexion, mais même celles que l’on dit « chanceuses » doivent donc vivre cachées.

Sauf que, entre-temps, leur avenir part en fumée, parce qu’au pays de Ntare, se marier quand on a déjà un enfant n’est pas une mince affaire. Une question qui est revenue souvent dans la planification de ce dossier mérite une profonde réflexion que ceux qui font le gringue à ces jeunes filles devraient se poser avant de tirer leur coup : « Baca baba abande ? ». Parler de braquer un projecteur sur le calvaire de celles qu’on appelle vulgairement « Abayaya » serait prétentieux, tellement la tâche est immense. Vous amenez à réfléchir ou reconsidérer la façon dont notre société traite ces « Bayaya », voilà l’objet de ce dossier.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (2)

  1. Cet article est très important parce que c’est un clin d’œil pour ceux qui traitent ces personnes comme des sous-hommes et si possible vous pourriez multiplier des articles basés sur ce thème.

  2. Plusieurs raisons sont à la base de tout cela :
    -certaines yaya sont plus belles que leurs patronnes et finissent par attirer leurs patrons bon gré mal gré.
    -Certaines familles sont bâties sur le sable. Les mariés se rentrent dedans tous les jours et quelques femmes utilisent leur sexe comme arme en refusant ce noeud familial à leurs maris ; ces derniers, pour apaiser leur état d’âme surchauffé,font recours à ces êtres facilement maniable.
    -Il y’a des bayaya responsables de leur sort si on tient compte des comportements qu’ils affichent dans leurs foyers d’accueil.
    -si Dieu ne change pas leur considération sociale, elles seront toujours malheureuses car, quelles que soient les lois, les constructions sociales restent telles qu’elles.
    -Ces métiers ou services informels échappent au contrôle rigoureux des États et on ne sait qui est responsable de quoi.