La production et la commercialisation d’une dizaine de sortes de « vins » produits localement, viennent d’être suspendues au Burundi par le Bureau burundais de normalisation et de contrôle de la qualité (BBN). Telle dans une équation à deux inconnues, la mesure s’est focalisée sur l’aspect sanitaire et la conformité en passant sous silence l’intérêt des grossistes et des commerçants. Comment résoudre cette équation dans son ensemble, et non en partie ?
Une équation à double inconnue. Ceux qui s’en rappellent savent que pour la résoudre, c’est soit par substitution, soit par combinaison. A ceux qui ont la phobie des maths, j’explique. L’opération est très simple. La méthode de substitution permet d’utiliser une information contenue dans une des deux équations pour réduire la seconde à une seule variable, tandis que la méthode de combinaison consiste à additionner (ou soustraire) toute une équation à une autre et non seulement quelques termes spécifiques.
Où est-ce que je veux en venir ? Si la variable « santé et conformité » a été résolue par la suspension de la production et de la commercialisation des vins fabriqués localement, la variable « perte inévitable pour commerçants et grossistes » n’a pas été résolue. Ce sont les grossistes et les commerçants qui ont été les grands perdants de cette résolution de l’équation par la BBN. Ils ont assisté, impuissants, à l’effondrement de leur business. Le raccourci est de dire que cela ne relève pas des compétences de la BBN, alors que c’est cette dernière qui a résolu l’équation.
Substitution
Rappelons quand même que ces vins dont la production et la commercialisation ont été suspendues venaient d’être introduits sur le marché burundais de façon récente. Qui avait accordé l’autorisation de production ? La BBN. Si ces produits portaient le logo de BBN et ont même payé les taxes de l’OBR, ils étaient censés remplir les exigences nécessaires pour obtenir la licence de production et, à ce titre, être commercialisés. Sinon, ceux qui ont délivré les permis de production devraient être tenus pour responsables. Jusque-là, où est la faute de la population et des commerçants ?
Face à la carence des produits Brarudi, ces vins ont cartonné et ont trouvé grâce aux yeux des consommateurs à cause de leur disponibilité et de leurs prix abordables. Tous les dés de la loi de l’offre et de la demande étaient jetés. Que les vérifications de contrôle qui devaient être effectuées tous les trois mois par la BBN dans les usines de production n’ont pas été faites, faute de carburant et de personnel suffisant, la faute revient-elle aux commerçants ?
En ce qui concerne les grossistes, qui a pensé aux crédits bancaires qu’ils ont contractés pour investir dans ce business ? Comment est-ce qu’ils vont récupérer leur argent pour rembourser les banques ? Tout un tas de questions sans réponses.
Combinaison
Le choix de la méthode de substitution lors de la résolution de cette équation par la BBN a été motivé par le mot d’ordre donné par le chef de l’Etat à propos de « Sapor wine », et par les décisions de certains gouverneurs de provinces qui ont interdit ces vins dans leurs localités. Le hic est que la BBN a oublié la méthode de combinaison linéaire qui devrait aussi impliquer d’autres services de l’Etat, comme le ministère du Commerce et l’Agence de développement du Burundi (ADB). Ces derniers connaissent mieux ce qu’on appelle le « climat des affaires dans un pays », particulièrement l’attraction des investisseurs étrangers.
Imaginez un investisseur étranger qui entend que dans un pays donné, un gouverneur peut se lever un beau matin et décider de stopper net la commercialisation d’un produit légal, sans que le commerçant ou l’entreprise ne soient avertis. Ce dernier voudra-t-il investir dans ce pays ? Non. Il se dira que son investissement est en danger et voudra investir dans un autre pays où le climat des affaires est plus sécurisant. De telles résolutions d’équation font que le Burundi est mal noté pour certains indicateurs comme l’indice de la liberté économique et le rapport Doing business, des indicateurs dont les investisseurs étrangers tiennent compte avant d’investir dans un pays.
Substitution vs combinaison
Oui, la résolution de cette équation par la méthode de substitution a été perçue comme un baume au cœur. Elle donnait un espoir face aux menaces que ces vins faisaient peser sur la santé publique. Mais, sans ignorer aucune variable, via la méthode de combinaison linéaire qui est une approche inclusive, la BBN aurait dû d’abord stopper la production de ces « vins » auprès des industries et usines de production et ensuite donner un temps pour l’écoulement des stocks détenus par les commerçants et les grossistes. Enfin, elle aurait dû s’asseoir avec d’autres parties prenantes pour corriger les erreurs éventuelles et trouver une solution qui permette de respecter la loi et les normes vigueur. Parce que, disons-le, la protection de la santé de la population ne doit pas rimer avec la ruine des commerçants.