Le processus de justice transitionnelle, telle que prévu par l’accord d’Arusha, a pris un sacré coup de retard. D’emblée, dire que la CVR actuelle n’est pas celle prévue par l’accord d’Arusha ne serait pas une aberration. Malgré cela, l’accord d’Arusha a le mérite d’avoir posé les premiers jalons de la justice transitionnelle au Burundi.
A Arusha, les politiciens se sont mis d’accord sur la mise en place d’une commission vérité et réconciliation qui devait enquêter, arbitrer, réconcilier ainsi que clarifier l’histoire. Ils s’étaient convenu que la CVR devait faire la lumière sur les actes graves commis depuis l’accession du Burundi à l’indépendance jusqu’à l’accord d’Arusha. Cependant, elle n’avait pas la compétence de qualifier les actes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Sur des aspects aussi graves, cet accord préconisait deux mécanismes judiciaires qui constitueraient la cheville ouvrière de la justice transitionnelle au Burundi. Il s’agissait de mécanismes tels qu’une Commission judiciaire internationale d’Enquête sur le génocide, les crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité et un Tribunal Pénal International pour juger et condamner les coupables, une fois le rapport de l’existence d’actes de génocide, de crimes de guerre et d’autres crimes contre l’humanité établie.
Privilégier le pardon à la justice
En 2021, la CVR a qualifié les violations graves des droits de l’homme qui se sont déroulés en 1972. Selon elle, les violations massives des droits de l’homme commises, d’une part, sur tout le territoire du Burundi en 1972-1973 constituent un génocide contre les Bahutu du Burundi. D’autre part, il a également ajouté que des crimes contre l’humanité ont été commis contre les Batutsi dans le sud du pays sur le littoral du lac Tanganyika juste au début des massacres.
Ceci est contraire aux dispositions de l’accord d’Arusha, mais en parfaite harmonie avec la loi réglementant son fonctionnement. Et cela sur les seuls évènements des 1972. Il est prévu qu’en 2024 la CVR embraye sur les évènements de Ntega-Marangara de 1988 et les évènements de 1993 en 2025. Jusqu’à présent, la question des poursuites judiciaires n’a jamais été évoquée. Mais sur ce point, la position du pouvoir en place est claire. Dans un mémorandum publié le 05 mai 2007, le Cndd-Fdd affirmait qu’ « au lieu de privilégier la répression par la simple procédure judiciaire, le pardon mutuel est la voie la mieux indiquée pour garantir la réconciliation nationale et une paix durable ».
Pour rappel, un processus de justice repose sur quatre piliers. A savoir la recherche de la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-retour. Au stade actuel des choses, il est inutile de parler de réparations sans avoir épuisé le premier volet de la recherche de la vérité. Les garanties de non-retour, quant à elles, reposent sur les réformes des institutions. Ici, les corps de défense et de sécurité ainsi que le pouvoir judiciaire sont les plus concernés. Il y a eu fusion entre les anciens rebelles, dits ex PMPA (les Partis et Mouvements Politiques Armés) et l’armée régulière, dite ex FAB (Forces Armées Burundaises) pour former les forces de défense nationales actuelles (FDN) et la police nationale. Pour qu’elles deviennent effectives, une politique de vetting dans le cadre du brassage de l’armée s’imposait. Pour être, on ne peut plus claire, les auteurs des violations des droits de l’homme de toutes les parties en conflit ne devraient pas intégrer la nouvelle armée ou la nouvelle police.
Tout à fait correct.