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CVR : vers une nouvelle ère ?

La Commission Vérité et Réconciliation veut faire peau neuve. De nouveaux commissaires ont été adoubés par le parlement. Mais, quelles pistes devraient été placées dans son agenda pour plus d’efficacité ? Eléments de réponses.

Faire de la lumière sur des décennies jalonnées de tragédies, la mission de la CVR est autant noble que délicate. Bien que la perfection ne soit pas de ce monde, cette commission se doit tout au moins de la frôler. Le moindre faux pas risquerait de réveiller les démons du passé.

Notre société bipolarisée entre les deux composantes les plus importantes numériquement, les Hutu et les Tutsi a souvent tendance à avoir une lecture plutôt manichéenne de l’histoire. Cela va de soi d’autant plus que la plupart des dates noires qu’a connues le Burundi portaient en elle un spectre ethnique.

Mais est-ce une fatalité ? « Pas du tout », observe, J.H, un politiste qui a requis l’anonymat. « C’est une entreprise risquée quand vous y embarquez des gens qui vont mettre en application un narratif préparé d’avance, cela ne fera qu’enfoncer le mal. En revanche, avec une certaine dextérité, la CVR pourrait déboucher sur un récit plus ou moins consensuel », renchérit-il.

L’accompagnement psycho-social, ce parent pauvre si important

Lors de la présentation du rapport sur les événements de 1972 que la commission a officiellement qualifié de génocide, l’émotion était palpable sur les visages des parlementaires présents dans le palais des congrès de Kigobe. Regards hagards, yeux moites, les élus du peuple avaient du mal à dissimuler ce qu’ils ressentaient. A la fin, le président de l’Assemblée nationale a prononcée un discours plein d’émotion.

« Cela n’est qu’un symptôme d’un mal qui devrait être pris au sérieux, trouve Bosco Bizimana, psychologue. Ces parlementaires sont des fils ou parentés des victimes de ces horreurs. Leur lancer les détails sur cette période sans préparation psychologique provoque des remous. Cela va de même chez la population sur les collines », continue-t-il.

Pour Bigirimana, l’aspect psycho-social devrait être au cœur des actions de la CVR.  Cela pour plusieurs raisons : « Pour ce qui est des réparations, puisque toutes les victimes ne sauraient être matériellement satisfaites, il faudrait qu’elles soient préparées à reconnaitre le geste posé dans des réparations symboliques par exemple. Et cela demande un vaste travail en amont ».

Et les jeunes dans tout ça ?  

Le flambeau que passera la CVR, c’est la jeunesse actuelle qui le reprendra pour perpétuer ses lumières. D’où l’importance d’impliquer les jeunes dans le travail de la CVR. Les statuts actuels de la commission posent l’âge canonique à 35 ans pour intégrer la curie des commissaires. Vous entendez que la place des jeunes est reléguée aux seconds rôles.

« Un mauvais départ », estime Jean Claude, étudiant sympathisant du parti CNL. Sa position, il la place sous l’angle de la légitimité. « Nous prendrons cela comme un récit d’adultes qui règlent des comptes entre eux, si ça reste dans les mains des gens qui sont eux-mêmes des victimes voire des acteurs », tranche-t-il.

Mais il ne faudrait pas non plus céder au jeunisme non-nuancé. C’est la proposition de Guillaume Nifasha, doctorant en sociologie. Pour lui, « les jeunes seraient impliqués graduellement sans chercher à les placer dans des places juste pour faire de la figuration ».

Une chose est sure, la CVR se devra d’user du tact pour légitimer son travail. Il en va du futur du pays. La réussite de la commission serait un excellent tremplin vers la réfection du tissu social qui a longtemps été défait par des querelles fratricides.

 

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