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Le Burundi et ses jeunes qui portent le poids d’un passé qu’ils n’ont pas vécu

De nos jours, la plupart des jeunes n’ont pas vécu les grandes violences de 1993-2005. Et pourtant, ils sont héritiers des traumatismes issus de ces périodes de crise. De leurs parents ou autres proches, ils entendent des bribes d’histoire, des récits biaisés, se bornent à cela et entretiennent souvent sans le savoir un cercle vicieux. Parlons-en.

Comment se retrouve-t-on dans cette spirale infernale de haine ? Comment ne pas détester cette personne qui a fait tant de mal à un proche ? Difficile de se détacher de ce passé qui appartient à d’autres, mais qui nous a été tant rabâché qu’il a fini par devenir nôtre.

La question de l’ethnie est souvent celle qui figure au cœur de ce passé si pesant. « Ces gens-là nous ont fait du mal, nous n’aurons jamais rien à voir avec eux ! », disent nos parents. Et le plus malheureux, c’est que certains d’entre eux tiennent ce genre de discours à des enfants qui n’en comprennent pas les enjeux, qui n’ont pas encore leur propre sens du discernement ou de jugeote, si bien qu’ils gobent tout comme ils l’ont entendu.

Le manque d’un cadre de discussion objectif sur les violences vécues au Burundi depuis les années 1960 est également à relever. Les jeunes ont besoin d’avoir un avis objectif, voire même strictement factuel de ce qui s’est passé. Il est facile de déformer, exagérer ou omettre certains points dans un récit s’il y a des intérêts à protéger ou des individus à accuser.
N’ayant donc pas où trouver des informations complètes, ou étant convaincus que la version qu’ils détiennent est la seule à considérer, les jeunes se retrouvent à vivre ce passé qui n’est pas le leur et l’entretiennent.

Dans les villes, il est plus ou moins possible de ne pas tomber sous le joug de ce passé, parce que l’on peut s’informer plus facilement – les ouvrages sur le sujet étant plus ou moins disponibles. Mais aussi, la mentalité « moderne » nous permet de ne plus trop donner d’importance à ce genre de questions. Mais qu’en est-il des coins reculés du Burundi ? Les violences vécues sont moins abordées, si ce n’est au sein du cocon familial. Les jeunes ont ainsi moins de chances d’obtenir une version différente de celle qu’ils ont entendu depuis leur jeune âge.

Ne pas aborder le sujet, c’est une option qui peut sembler envisageable mais qui ne porte malheureusement pas les fruits qu’on en attend.

Je précise : prenons un parent qui, pour protéger son enfant de ce passé douloureux, choisit de ne pas lui en parler. L’intention était bonne, mais le problème réside dans la méthode. L’enfant qui grandit sans connaître deviendra un jeune ignorant. Ne rien savoir de ce qui s’est passé revient à s’exposer dans le futur : on subit des injustices dues par exemple à notre appartenance ethnique, et on vivra avec la peine de notre ignorance. On t’attaque et tu ne sais pas quoi faire face à cela, parce qu’on a voulu te protéger de la dure réalité.

Artisans d’un futur… peut-être compromis

On récolte ce que l’on a semé, ceci ne fait aucun doute. Que sommes-nous donc en train de semer dans nos jeunes ? Ce sont eux les leaders de demain. « Ni bo Burundi bw’ejo », entend-on souvent dire.

Comment espérer de bons leaders si l’on n’arrête pas de leur bourrer la tête de ces vérités biaisées ? C’est la même histoire qui recommencera, les mêmes erreurs qui se répéteront. Et ce futur que l’on veut si brillant ne sera finalement qu’une copie – peut-être en pire – du passé.

Que sommes-nous en train de faire pour changer la donne ? Je vous laisse à cette question.

 

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