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« Les politiciens sont les premiers à se servir du passé pour mobiliser l’électorat »

La question de l’ethnie a toujours suscité des controverses parmi les ressortissants des différents groupes ethniques. L’histoire du Burundi, au lieu de servir de socle à une appropriation plus profonde de notre identité commune, est souvent détournée pour alimenter des discours ethnicisants, parfois dans le but avoué ou pas, de semer la discorde entre personnes d’ethnies différentes. Parlons-en.

 Aujourd’hui encore, malgré des avancées notables, les stigmates d’un passé tumultueux ressurgissent parfois entre les deux principales ethnies du Burundi, surtout en temps de forte tension politique : les Hutu et les Tutsi.

En effet, l’histoire sociopolitique du Burundi est marquée par une série de crises à caractère ethnique, qui ont laissé des traumatismes profonds, transmis de génération en génération. Aujourd’hui, ces blessures commencent à cicatriser pour certains, mais demeurent béantes pour d’autres.

Certains individus n’hésitent pas à remuer le couteau dans les plaies, ravivant ainsi des souvenirs douloureux dans le seul but de servir leurs propres intérêts.

Le « nous » contre les « autres »

« Les politiciens sont les premiers à se servir du passé pour mobiliser l’électorat », affirme le professeur Éric Ndayisaba, enseignant-chercheur à l’ENS et membre associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde. Selon lui, le discours ethnicisant, souvent tenu par cette catégorie d’acteurs, est dur, tranchant et trace des frontières nettes entre les groupes. Il met l’accent sur un « nous » exclusif, opposé aux « autres ».

En temps de paix, poursuit le professeur Ndayisaba, il est plus facile pour un individu de garder une pensée rationnelle face à ce type de discours. Mais en période de crise, lorsqu’une mobilisation collective s’amorce, il devient bien plus difficile de résister à l’appel identitaire. C’est dans ces moments que l’on voit l’histoire utilisée comme un levier pour enflammer les esprits et attiser les tensions.

Au-delà de ses effets délétères sur la cohésion sociale, le discours ethnicisant est également réprimé par la loi. En effet, l’article 266 du Code pénal burundais stipule que toute personne qui « manifeste de l’aversion raciale ou ethnique, ou incite, encourage ou commet un acte susceptible de provoquer cette aversion ou cette haine » est passible de sanctions pénales.

« Civiliser l’ethnie »… une utopie ?

Pour contrer les dérives du discours ethnicisant, le professeur Ndayisaba propose de « civiliser l’ethnie », autrement dit, de prévenir et d’atténuer les effets néfastes de l’instrumentalisation politique des identités ethniques.

Cette idée m’a interpellée. Pour désamorcer les tensions, nous devons adopter un regard neuf sur notre histoire. Aujourd’hui, notre vision de l’« autre » est souvent biaisée. Nous ne voyons que le mal, que ce que l’on nous a inculqué depuis des années. Nous nous enfermons dans une perception négative, et cela constitue, selon moi, un frein majeur à notre développement.

Certes, l’histoire a été douloureuse pour certaines communautés. Mais cela ne justifie pas que nous tombions dans le piège tendu par ceux qui cherchent à nous diviser. L’histoire devrait nous aider à mieux comprendre nos origines, à renforcer notre attachement à une identité partagée.

Il est temps de cesser de détourner les faits. Utilisons l’histoire pour bâtir, pour unir, et non pour diviser. Une question demeure toutefois : quand dépasserons-nous les clivages ethniques pour ne voir que le Burundais qui sommeille en chacun de nous ?

 

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Les commentaires récents (1)

  1. On ne fait jamais une analyse sans commencer à faire une généalogie du problème. Hutu, Tutsi sont ils des ethnies ? Non. Le conflit interethnique Hutu – Tutsi est un outil colonial géopolitique de domination instauré par l’Allemagne en 1911 avec Hans Meyer pour diviser l’Unité des Barundi. Ainsi faire une analyse en s’appuyant sur les « ethnies » Hutu, Tutsi, cela veut dire qu’on tombe dans le piège géostratégique colonial.