Les Batwa (ou Twa), minorité ethnique, sont quasi invisibles sur la scène politique burundaise. Leur présence reste tributaire d’un mécanisme de cooptation censé compenser leur sous-représentation. Mais cette solution temporaire règle-t-elle pour autant l’injustice qu’ils ont subie depuis le passé ? Suffit-elle à assurer une participation réelle et équitable ? Ce blogueur fait le tour de la question.
Les Twa ont longtemps été à l’écart de la vie politique du Burundi. C’est ainsi que l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et la Constitution de la République du Burundi, ont amorcé leur intégration sur l’échiquier politique. Et ces textes légaux affirment qu’aucun Burundais ne doit être exclu de la vie sociale, économique ou politique de la nation du fait de sa race, de sa langue, de sa religion, de son sexe ou de son origine ethnique.
Quid de la cooptation supplémentaire ?
Pour remédier à la sous-représentation politique des Twa, un mécanisme de cooptation supplémentaire a été mis en place. Ainsi, après les élections législatives ou communales, les Twa cooptés siègent au Parlement ou dans les conseils communaux avec les mêmes droits que les élus.
La Loi organique n01/12 du 05 juin 2024 portant modification de la loi organique n01/11 du 20 mai 2019 portant code électoral, précise ce mécanisme.
L’Article 108 dispose que la Commission électorale indépendante (CENI) procède également à la cooptation de trois députés de l’ethnie Twa provenant de provinces différentes.
Cette cooptation se faisant sur base de listes présentées par leurs organisations les plus représentatives reconnues par l’autorité de tutelle, en tenant compte de la dimension « genre » et de la répartition géographique.
L’Article 142 prévoit également la cooptation de trois sénateurs Twa provenant de provinces différentes.
Pour le conseil communal, l’Article 185 prévoit que la CENI coopte une personne d’ethnie Twa sur la liste des candidats du parti politique ou coalition de partis politiques élu contenant des membres d’ethnies Twa et ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au cas où aucun tirage au sort n’est organisé pour départager les candidats.
Cooptation politique : l’envers du décor
Voilà plus de vingt ans que le mécanisme de cooptation politique des Batwa a été mis en place. Ce dispositif a contribué à un changement notable. Il a permis un éveil de conscience et une certaine transformation des mentalités au sein de cette communauté, comme en témoignent certains des représentants.
Cependant, il y a lieu de s’interroger sur la portée réelle de ce système.
Boaventura de Sousa Santos, sociologue portugais, rappelle que la démocratie ne se mesure pas à la présence de minorités dans les institutions, mais à la qualité de leur pouvoir. C’est d’ailleurs ce que pensent certains responsables des organisations défendant le droit des Batwa.
Lors d’une table ronde organisée par Yaga, Jean Baptiste Baranyizigiye n’a pas manqué de dénoncer les traumatismes vécus et les injustices dont sa communauté est victime, pointant au passage qu’ils sont victimes de leur infériorité numérique.
La cooptation politique présente des limites structurelles. Il peut y avoir une propension à la dépendance au bon vouloir du pouvoir exécutif car elle s’apparente davantage à une nomination qu’à une élection démocratique.
Ce mode d’accès au pouvoir peut aussi conduire à une forme de marginalisation politique. Les représentants cooptés risquant d’être perçus comme de simples symboles de diversité, peu légitimes ou peu influents dans les prises de décisions.
La cooptation des Twa au Burundi vise à compenser leur marginalisation politique, tente de répondre aux injustices qu’ils ont endurées. Mais, faut-il le reconnaître, en l’absence d’une réelle inclusion dans les partis et sur les listes électorales, elle risque de devenir une solution de façade.