Le préservatif, le condom ou la capote, quel que soit son nom, reste l’unique moyen de protection contre les infections sexuellement transmissibles (IST) et notamment le virus du SIDA (VIH). Devant la recrudescence de ces maladies, il est impératif de porter un préservatif lors de tout rapport sexuel. Pourtant, quand vient le moment de l’acheter, c’est la galère…
Ça y est, le grand moment arrive. Vous êtes enfin prêt et vous prévoyez de passer à l’action. Cependant, si la spontanéité dans la sexualité est clairement importante, kiffer en toute sécurité, ça se prévoit. Avoir des préservatifs sous la main procure tranquillité et sûreté. Sauf que dans les habitudes de certains, se pointer devant le pharmacien pour acheter le fameux bouclier demande le courage d’un combattant.
Profitant d’un tour dans le quartier périphérique de Carama II, je m’arrête devant une petite boutique, histoire d’acheter une carte de crédit. A côté de moi, deux jeunes garçons dans la vingtaine, ont les yeux dans le vide. Le boutiquier, qui semble bien les connaître, ne cesse de les taquiner dans un langage codé. « Je sais ce que vous voulez, alors je vous donne ou pas ? », lance le boutiquier (que j’appelle Gérard*), entre deux rires. Il en a vu assez sur les comportements de ces jeunes gens qui viennent chercher ce qui semble être un tabou. « Il y a ceux qui savent bien manier les mots. Je suis déjà habitué. Quand j’entends dire « Godiyo », je vois directement ce dont on parle », témoigne-t-il.
Difficile de lâcher le mot
Les jeunes savent à quoi sert la capote. Mais, il ne leur est pas facile de s’en procurer. « Quand tu décides d’aller acheter des capotes il faut déjà se mettre en tête qu’on va te regarder étrangement. Moi j’ai un peu le trac face au regard des gens à la boutique ou à la pharmacie », me révèle l’un d’entre eux.
Même le boutiquier confirme que les garçons ont honte d’acheter le préservatif en présence de plusieurs autres clients. Ils préfèrent l’acheter dans la discrétion. « Parfois, ils utilisent d’autres astuces que j’ai appris à déchiffrer avec le temps. Ils ont trouvé des noms comme sox, passeport… ». Un autre gars, qui était jusque-là silencieux, se lâche : « Quand on va acheter un condom dans une pharmacie et qu’on y rencontre un homme à la caisse, on a l’impression qu’il vous traite comme quelqu’un qui n’est pas sérieux. Par contre, si c’est une femme, on a honte et on risque même de quitter sans acheter », lance-t-il.
Plutôt la boutique que la pharmacie
Au-delà des préjugés autour du préservatif, c’est l’utilisation qu’on en fait qui explique la gêne des gens quand ils vont l’acheter. Divin, jeune garçon de la localité, ne le nie pas : « Déjà, ici tout le monde connaît presque tout le monde. Les dames qui travaillent dans les pharmacies du coin habitent le quartier. C’est pourquoi on se rabat sur le boutiquier, lui au moins, il sait garder un secret », confie-t-il, sourire au coin des lèvres.
A côté de moi, un des gardiens de nuit qui écoutait discrètement la conversation se joint à la discussion. Il connaît le quartier comme sa poche, vu qu’il garde les chantiers depuis une décennie. Les ouvriers passent la soirée à partager des bières avec les jeunes femmes, et les affaires se terminent dans les maisons encore en chantier. « Je connais plus de cinq femmes qui ont conçu leurs enfants ici, faute du non-usage du préservatif. Même s’il peut y en avoir dans les boutiques, peu de gens pensent à en acheter, et bienvenues les maladies et les grossesses non désirées », raconte-t-il.
Avec le tabou autour de l’achat du préservatif, il y a lieu de se demander ce que va devenir cette jeunesse qui préfère prendre des risques au lieu de briser le tabou. Une bombe à retardement si rien n’est fait pour normaliser cette protection et la rendre plus accessible à tous.