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Harcèlement scolaire : « Laissez-moi tranquille ! »

Partout dans le monde, y compris au Burundi, le milieu scolaire est parfois truffé de petits groupuscules d’écoliers qui harcèlent leurs condisciples à cause des différences physiques, intellectuelles, sociales, etc. Ce harcèlement, pas si bénin que ça, marque négativement les victimes, et parfois à vie. Une ancienne victime témoigne.

Je réponds au nom de David Kaze*, j’ai vingt-cinq ans et j’ai été victime, pendant mon enfance, de harcèlement scolaire à cause de mon poids. En sixième année primaire, à l’âge de 12 ans, mon obésité, qui était pourtant passée inaperçue jusque-là, est devenue un sujet de moquerie à l’école. Tous les écoliers de l’établissement m’appelaient « Biggie », un surnom que quatre de mes condisciples m’ont affublé sans demander mon avis.

Pour eux, c’était sans aucun doute, j’étais responsable de tous les pupitres cassés se trouvant dans la salle de réparation, ou encore de la rafle de beignets à la cantine quand il n’en restait plus. Bien entendu, toutes ces accusations provocatrices, qui plus est, faites en ma présence, n’étaient que le fruit de leur sadisme, nourri par l’envie de se moquer de ma corpulence. Et face à ces moqueries, la réaction que j’affichais n’était que passive, rien qu’un sourire d’indifférence aux lèvres. Après tout, ce n’était que des mots. J’étais loin de me douter que cela les pousserait à faire pire encore.

Pas de répit pour Biggie

Dans leur ignoble entreprise, mes oppresseurs avaient fomenté un plan machiavélique pour me faire encore plus de mal. Un petit cortège d’élèves de ma propre classe était chargé par les quatre de me suivre partout où j’allais, en me lançant des salves d’insultes discriminatoires à longueur de journée. Des « gros lard » par ci, des « gros tas de graisse » par là. Durant tout ce temps, je n’avais pas eu le courage d’agir, car ma timidité m’enfermait dans un mutisme maladif. Et ce qui devait arriver arriva : j’ai commencé à avoir honte de ma personne. J’ai développé une profonde déception de moi-même. J’avais la boule au ventre à chaque fois que je franchissais le portail de l’école. Je prétextais des maladies pour sécher l’école. Au fil des jours et des sobriquets, je me sentais au bord de l’explosion.

La dernière goutte qui a fait déborder le vase

Un jour, alors que j’étais en classe, écolier était en train de recopier les notes au tableau lorsqu’un élève assis devant moi s’est retourné vers moi et m’a donné un petit papier de la part du leader des quatre harceleurs. Le papier contenait un message d’une telle haine, que quand j’y repense, je n’en reviens pas que de tels mots aient pu sortir de l’imagination d’un garçon à peine adolescent. Je préfère ne pas relater son contenu ici, de peur de choquer les âmes sensibles.

Ce message a été alors la dernière goutte qui a fait déborder le vase. Larmes aux yeux, je me suis levé sans la permission de l’enseignant pour aller me mettre devant toute la classe. J’ai ensuite tenu un discours devant tous les élèves de ma classe. J’ai déversé tout ce que j’avais sur le cœur : ma frustration, mon mal-être, le désir de ne plus vivre dans ce milieu qui ne me tolérait pas et me poussait chaque jour à détester ce que j’étais. Ce jour, je leur ai supplié : « S’il vous plaît, laissez-moi tranquille ! »

Depuis ce discours, notre maître et le directeur de l’établissement se sont engagés à rester plus vigilant pour qu’il n’y ait plus jamais ce genre de harcèlement. Malheureusement, c’était un peu trop tard pour moi, car j’en garde encore aujourd’hui des séquelles.

C’est pour cela que je demande aux parents d’éduquer leurs enfants en leur inculquant des valeurs telles que le respect de l’autre dans sa différence, la non-discrimination, etc. Si j’ai souffert, je ne suis pas le premier et sûrement pas le dernier. Eduquons donc nos enfants, inculquons-leur les valeurs de respect. Sachons leur éviter de devenir de petits monstres pour leurs condisciples.

* : nom d’emprunt

 

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