Dans la société burundaise, la porte qui ouvre sur l’éducation sexuelle est fermée à double tour. Tout ce qui a trait au sexe est placé sous une chape de plomb. Les jeunes privés de cette éducation se retrouvent comme dans une jungle où ils procèdent par tâtonnement, essais et erreurs. Cela n’est évidemment pas sans conséquences. Yvonne, 17 ans, témoigne.
13 ans. Le début des tourments remonte en 6ème année de l’école primaire. Mes seins commençaient à pousser. Avec mon teint clair, j’étais ce qu’on peut qualifier de bombe. Les garçons aimaient me le répéter à longueur de journée. Mon derrière commençait également à bien « pousser ». En classe, telle une bière de banane, j’attirais les garçons comme des mouches. Presque tous les garçons se bousculaient pour m’aider à prendre les notes. J’étais vraiment la reine de la classe.
« Comment avoir de gros seins et de grosses fesses ? »
14 ans. En 7ème année, au lycée, c’était presqu’une obligation/un sacrément, d’avoir un copain. Et c’est à ce moment-là que mes premières règles ont apparu. Ma mère a juste pris le temps de m’expliquer qu’il fallait que je m’éloigne des garçons, sans bien sûr me dire pourquoi. C’était mission impossible vu les sentiments que j’éprouvais pour Salomon, mon copain. Malheureusement, Salomon se plaignait que j’avais de petits seins, et que mon derrière n’était pas assez volumineux. Tout cela me contrariait. Mal m’en as pris de demander à ma mère comment avoir de gros seins et de grosses fesses. Elle m’a foudroyée du regard et m’a traitée de tous les noms. Impudique, immorale, irrespectueuse. Voilà comment je me suis rabattue sur mes camarades (qui n’y connaissaient presque rien aussi) pour ne pas perdre Salomon. Ce dernier commençait à m’ignorer pour des raisons qui m’échappaient.
« Comme un mouton conduit à l’abattoir… »
15 ans. Ma question reste toujours sans réponse. Souvent, parce que les mamans n’en parlent pas ou peu, les jeunes filles recourent à des « on dit » pour avoir des informations sur la sexualité. Parfois c’est le cercle d’amis ou les réseaux sociaux. Et ce, à un âge beaucoup plus jeune que bien de parents ne le pensent. Ça a été mon cas. « Avoir de gros seins et un derrière volumineux, c’est facile », disait Yvette, 17 ans, deux ans plus âgée que moi : « Il suffit de coucher avec un garçon ». Comme un mouton conduit à l’abattoir, j’ai suivi ses conseils. La première fois, on l’a fait avec un préservatif. J’ai senti une douleur tellement immense que j’ai juré que je ne le referais plus. Mais, en discutant avec mes copines, elles m’ont expliqué que c’est à cause du préservatif qu’on a utilisé. « Il faut abandonner le préservatif, ça cause la douleur et le cancer de l’utérus ». Munie de leurs conseils, j’ai commencé à faire des rapports sexuels non-protégés.
«Ma mère était dévastée »
16 ans. J’ai passé un certain dimanche à pleurer sans raison et à avoir des nausées toute la matinée. J’ai fini par vomir. C’est là que je me suis dite que quelque chose clochait. Une amie a apporté un test de grossesse. C’était la première fois que je le voyais. Mon cœur battait à 120 km/heure. Quand elle m’a dit que le test était positif, j’avais un retard des règles de trois mois. Un vrai bébé se développait dans mon ventre. Nous avons cherché un infirmier pour un avortement clandestin. Mais sans savoir où chercher, nous ne l’avons pas trouvé. Plus tard, j’ai appris que j’avais contracté une infection sexuellement transmissible et que cette infection commençait à menacer ma grossesse. Comme je devais être hospitalisée, ma mère a été mise au courant. Elle était complètement dévastée, la pauvre.
Prévenir c’est guérir. Peut-être n’aurais-je pas eu un enfant à 17 ans si je savais ce que je sais maintenant. Mais comment parler à un enfant de 14 ans de la sexualité ? Comment détruire le tabou culturel qui entoure la sexualité au Burundi ? Comment outiller l’adolescent (e) pour le (la) préparer à affronter l’avenir et ne pas se laisser submerger par les émotions ? Ce sont peut-être ces défis que les parents doivent relever.