On ne le dit pas souvent, mais la date du 23 novembre 1966 est symbolique dans l’histoire conflictuelle du Burundi. Elle signe en quelque sorte le début (ou le prolongement ?) d’une longue période d’exclusion. Retour sur cet épisode méconnu de l’histoire du pays.
Après avoir détrôné son père du trône, Charles Ndizeye qui prend les rênes de ce qui est encore à l’époque le royaume du Burundi. Le 23 novembre 1966, le jeune monarque décide, à travers un arrêté royal, de désigner l’Uprona parti unique. A cette occasion, il déclare : « Considérant que le parti unique s’identifie en définitive avec la Nation et qu’il est par conséquent la forme la plus authentique de la démocratie, (…). Par sa primauté, l’Uprona inspire l’action des organes politiques de l’Etat, (…). Toute décision nationale en marge du programme gouvernemental est soumise d’abord au comité directeur du parti. »
Les dés sont donc jetés. Exit les autres formations politiques dans un Burundi qui poursuit sa descente aux enfers. A l’époque déjà, les tensions au sein des élites ont déjà produit des violences meurtrières, notamment en 1965.
Un monopartisme de droit succède à un monopartisme de fait
En réalité, si l’arrêté royal du 23 novembre 1966 consacre un monopartisme de droit, il officialise ce qui ressemblait déjà à un monopartisme de fait. En effet, la plupart des partis d’opposition ne survivront pas à la victoire de l’Uprona et la mort de Rwagasore en 1961. Dans sa thèse, le politologue Denis Banshimiyubusa écrit: « Le foisonnement de partis politiques n’a pas duré longtemps. Après la victoire de l’UPRONA le 18 septembre 1961 suivie de l’assassinat de son leader L. Rwagasore, la configuration politique de l’Urundi a accusé un sacré coup. Les autres formations politiques rivales de l’UPRONA se sont presque toutes effacées d’elles-mêmes, la laissant seule sur la scène politique ».
Après la mort de Rwagasore et au lendemain de l’indépendance, le Burundi vit une période assez trouble. La descente aux enfers qui se prolonge lorsqu’une semaine après le décret érigeant l’Uprona en parti unique, le capitaine Micombero dépose le jeune roi Charles Ndizeye et proclame la république. Nous sommes le 28 novembre 1966. Cette date marque le début ou plutôt le prolongement d’une crise politico-ethnique qui va caractériser le Burundi pour des décennies à venir.
Les conséquences de cette consécration de l’exclusion politique expliquent en partie les difficultés des Burundais à se réconcilier ou tout au moins à traiter le passé violent de leur pays. J’ai bien dit en partie car les causes profondes des déboires du Burundi sont bien plus complexes et nécessitent un dialogue sincère.