Les groupements financiers communautaires (GFC) parsèment l’ensemble du pays. Ils constituent un moyen d’accès au crédit, moyennant quand même un petit intérêt qui revient aux membres d’une manière ou d’une autre. Mais, quel est le fonctionnement de ces petits groupements qui renforcent la résilience des communautés qui n’ont pas accès aux institutions financières. Quelques éléments de réponse.
A quelques encablures du chef-lieu de la province de Rutana, se trouve Rongero, une des collines que compte cette province. Pour savoir comment le GFC Twijukire iterambere fonctionne, nous nous y sommes rendus. Par un après-midi ensoleillé, nous avons débarqué au centre de Rongero, fait de quelques maisons qui bordent la route macadamisée. Une fine poussière rougeâtre (inombe) couvre toutes les habitations du coin. Quelques bananiers, mais pas trop. Des haricots et quelques maniocs qui sèchent au soleil. Tout est doux, tout est calme. La vie semble tourner au ralenti à Rongero.
Twijukire itembere, c’est plus de 830 000 Fbu d’avoir propres
Les gens regardent avec curiosité notre petite équipe qui vient de débarquer, mais gardent leur distance. Quelques coups de fil et notre contact arrive. C’est Béatrice, une jeune fille souriante de 22 ans qui nous accueille. C’est elle, la responsable de Twijukire iterambere. Où s’asseoir pour discuter tranquillement ? Elle nous invite gentiment chez elle. A l’arrière-cour, le manioc sèche au soleil. Au salon, quelques régimes de bananes, mais aussi des bancs et des chaises, assez de chaises parce que Béatrice a aussi invité quelques membres de son groupe pour « partager la parole », comme on dit en Kirundi.
Twijukire iterambere est composé de 13 membres tous de Rongero (9 filles et 4 garçons). Mais au départ, ils étaient au nombre de 18, les autres garçons sont partis en Tanzanie « gupagasa ». Ce groupement a été fondé le 21 mars 2021. Maintenant, il pèse 837 900 Fbu.
Comment ça fonctionne ?
Les membres du groupe se réunissent une fois les deux semaines pour mettre en commun les capitaux. La part du capital va de 500 à 2 500 Fbu, selon les moyens de chacun. Après l’apport des capitaux, ceux qui ont besoin de crédits le font savoir. Chaque membre a droit à un crédit équivalent à 3 fois le montant de son épargne. S’ensuit la distribution des crédits sollicités, selon le montant disponible. Le remboursement se fait sur 3 mois. Un intérêt de 5% est appliqué et est immédiatement déduit de la somme, le bénéficiaire reçoit le reste. A la fin de l’année (cycle), ils se partagent les intérêts, mais les capitaux (épargne) restent en caisse, et rebelote pour une nouvelle année, indique gente dame Béatrice.
Des avantages ?
Alice Munezero est âgée de 22 ans. Elle est membre de groupe depuis sa création. « Si j’ai pu élever un porc, c’est grâce au crédit de Twijukire iterambere », répond-t-elle automatiquement à la question de savoir si GFC lui a été bénéfique. Elle annonce fièrement qu’elle a déjà pu épargner 41 500 Fbu pour l’année en cours.
Thierry Igiraneza, 23 ans, a lui aussi l’impression d’avoir misé sur le bon cheval. En plus d’élever un porc qui va bientôt mettre bas, il a pu acheter un petit lopin de terre qu’il cultive grâce aux activités du GFC Twijukire iterambere. Son épargne ? Beatrice vérifie très vite dans le registre du groupe : 40 000 Fbu pour l’exercice en cours.
« Kugabura », la fin du cycle
Notre pèlerinage à la découverte des GFC nous a aussi conduits à Bwagiriza, une zone de la commune Butezi (province Ruyigi). Coup de bol, on est tombé juste au moment où le groupe de la colline Rutegama procédait à la clôture de son cycle. On appelle ça « kugabura », c’est-à-dire le partage des dividendes. Il est important de préciser que l’épargne reste en caisse. Sauf pour celui qui veut quitter définitivement le groupe à qui on doit remettre la totalité de ses avoirs. Les autres se partagent les intérêts générés par les crédits ou d’autres activités génératrices de revenus que les membres font ensemble. A cela s’ajoutent les pénalités, car celui qui est en retard ou qui s’absente dans les activités du groupe écope d’une pénalité pécuniaire, comme nous l’a affirmé Dismas Igirukwisha, 23 ans, responsable du groupe de la sous colline Nyakayi.
Prolifération des GFC : les causes
« Ils sont nombreux les GFC sur notre colline. Ici, à Nyakayi seulement on en a 6, dont un a été dissous. Il y en a autant à Kabanga et plus de 8 à Rutegama. Ils sont nombreux à adhérer aux GFC car ils constituent une aubaine pour ceux qui ont besoin de petits crédits pour se sortir de certaines situations difficiles rapidement ou qui désirent lancer un petit business », a indiqué Niyongere Mélance, le chef de la colline Rutegama.
Les GFC, une forme de résilience au problème de non-accès aux services financiers ? Le taux d’inclusion financière au Burundi est très faible, comparativement au reste du monde. C’est ce qu’on lit dans une étude faite par Vicomte Nkunda pour le compte d’Outreach Canada. « L’enquête nationale sur l’inclusion financière de 2012 a révélé un taux de 12,5%, soit 3,7% de la population adulte qui avaient un compte dans une banque et 8,8% dans une microfinance », mentionne cette étude. L’auteur souligne aussi le fait que la population adulte entièrement exclue du système financier formel représentait une proportion de 73,3%. Ce qui fait que 14,2% de la population adulte sont dans des systèmes financiers informels.