L’histoire est un puzzle qui est faussé quand il y a des pièces manquantes. Or, au Burundi les femmes et les jeunes ont longtemps été mis au ban dans le traitement du passé, notamment dans ce qu’ils ont de spécifiques. Une erreur qu’il sied de corriger.
On ne sait jamais ce que le passé nous réserve, dit-on. Et ce passé n’est pas toujours rose. A fortiori à l’échelle d’une nation. Des dates noires ne sauraient manquer. Passent-elles pour autant ? Ce serait donner crédit à une naïveté qui mènerait à un risque de répétition d’autant plus que les séquelles non traitées restent.
L’exemple donné par le psychologue Alexis Niyibigira au sein de THARS est on ne peut plus expressif. « Il y’a des membres des communautés qui ont refusé des dons de vaches, ont boycotté des points d’eau potable aménagés près de leurs habitations parce qu’elles étaient encore hantées par les affres qu’ils avaient connu par le passé dans ces endroits où étaient construites ces fontaines ».
Mais puisque l’avenir doit puiser aussi dans le passé, aussi sombre soit-il, « on doit confronter les cauchemars du passé et surtout en tirer des leçons », a souligné Marja Esveld, cheffe de coopération au sein de l’ambassade du royaume des Pays-Bas au Burundi lors du lancement du programme « Barundi, Tuyage » appuyé par l’institution qu’elle représentait. Le dessein de « Barundi, Tuyage » est effectivement celui de contribuer à la non-répétition des violences à travers le dialogue
Parler du passé, une affaire de tous
Il revient pour autant de préciser que parler de communautés, composantes ou ethnie est une globalisation qui passe sous silence des membres de ces communautés qui présentent des spécificités et ces dernières sont consubstantielles à la façon dont ils vivent les crises et leurs répercussions. On peut citer ici les jeunes et les femmes. Ne pas prendre en compte leurs spécificités et valoriser leurs récits revient à bâtir sur du sable.
Les jeunes, par exemple, sont sujets à toutes formes de manipulation. Le politologue Salathiel Muntunutwiwe le soulignait dans « La mobilisation politique des jeunes au Burundi » en disant que « les jeunes constituent, pour les hommes politiques burundais, des ressources pouvant produire des gains politiques importants », ce à quoi ajoute Pr Nicolas Hajayandi, sociologue, dans « La sociabilité des jeunes comme mécanisme d’adaptation et de promotion des acteurs » où il souligne que « les différents cadres de sociabilité des jeunes sont animés par une multiplicité d’acteurs engagés sur fond de calcul intéressés ». Cela montre bien que cette frange de la population ne doit pas être épargnée quand il s’agit de parler des phénomènes qui peuvent être instrumentalisés par ces mêmes politiques.
Les femmes, elles aussi, vivent différemment les crises à cause de leur condition même de femmes. Mères qui se retrouvent veuves du jour au lendemain, violées et blessées dans leur intimité « à tel enseigne même que l’on devrait penser à des mécanismes de justice transitionnelle propres aux femmes car une mère ne viendra pas témoigner sur son viol en plein tribunal », note un psychologue.
Ce sera, en fin de compte, le mérite des initiatives comme « Barundi, Tuyage » si ces couches de la population souvent ignorées dans le traitement du passé retrouvent voix au chapitre.