Les enfants en situation de rue vivent un calvaire, et ça, personne ne l’ignore. Mais a-t-on déjà pensé un instant à les approcher ? Leur parler avec dignité et empathie ? Savons-nous par exemple ce qu’ils vivent la nuit ?
Avec l’idée de comprendre ce que vivent ces enfants qu’on croise dans les rues de Bujumbura à longueur de journée nous demandant toujours « mpa ijana ry’agatumbura » (aide-moi avec un 100 franc pour un beignet), je décide de faire une maraude, un certain jeudi soir. En plein centre-ville de Bujumbura, me voilà, trainant d’une rue à l’autre, espérant croiser ces pauvres rejetons de la société.
J’arrive à l’avenue Moso qui fait la jonction entre la zone Bwiza (réputée pour sa vie nocturne bouillonnante) et la zone Rohero. Cette avenue, la journée, elle offre un spectacle de piétons, de voitures, des marchands ambulants qui bravent la chaleur et le soleil de Bujumbura, des élèves se rendant ou quittant l’école, etc. Une avenue comme tant d’autres, en somme. La nuit, également comme la plupart des localités, l’avenue Moso est calme. Après 21 heures, il est rare de croiser plus de trois personnes.
Pourtant, ce jeudi soir, vers 22 heures, un spectacle d’une cruauté s’y déroule : deux individus se battent. Entourés par une dizaine de personnes qui tentent de les empêcher de continuer, j’entends la voix d’un jeune garçon (son jeune faciès me fait comprendre qu’il a à peine 15 ans) qui crie : « Ariko arantabuza urwembe mu maso ! » (il est en train de me défigurer avec un rasoir !). Mon cœur fait un bond en entendant cette phrase, je décide de m’approcher.
Bébé, (très) jeune orphelin en pleine délinquance
Je ne m’attends pas à la suite. Deux hommes arrivent à prendre les deux champions MMA improvisés, à part. Mais, d’un coup, un des deux commence à frapper très fort le jeune ado. Des coups-de-poing, des gifles dans le dos, un coup dur dans le visage… j’ai envie de plaider pour le petit garçon. « Wari ushaka kumwica ? Kubera iki wari ufise umusumari ? ». (Voulais-tu le tuer ? Pourquoi avais-tu un clou dans ta main ?). Immédiatement, je comprends que le ‘petit’ n’est pas innocent dans l’histoire. Son adversaire (un homme maigrichon) crie, en nous montrant des blessures : « Il m’a percé avec son clou ».
Je suis ébahi. L’enfant est un vrai délinquant. A son jeune âge ?
Il arrive à s’arracher de la foule qu’il assène des coups et des gifles, et prend la fuite. Je le suis. Une centaine de mètres devant, c’est là que je le retrouve : le visage gonflé, l’œil gauche aussi, des gouttes de sang coulent sur son t-shirt déchiré. Je l’approche délicatement. J’arrive à le faire parler. Il me dit qu’on le surnomme Bébé, qu’il a 14 ans et qu’il n’a plus de parents. Il vivait à Bwiza chez sa grand-mère, à la 4e avenue. Actuellement, la rue est son unique toit. Je suis envahi par une profonde tristesse. « Où vas-tu dormir ce soir ? », lui demandai-je. Il me répond : « Ici en plein centre-ville, avec d’autres enfants. D’ailleurs, tu vois l’homme avec qui je me battais, il tentait de voler mes cartons sur lesquels je dors ! ».
Avant de s’éclipser à la recherche de ses cartons pour dormir, il me donne un rendez-vous le lendemain, pour discuter.
Une nuit longue….
Deux autres rencontres cette nuit m’attendent. La première, en descendant vers le boulevard de l’Uprona. Il est 23 heures et des poussières. Je passe à côté d’un enfant qui dort près d’un passage piéton. Je l’aborde, mais des passants m’en empêchent. « Ne refais plus jamais ça ! Ces enfants sont des criminels ! Ils peuvent même te tuer ! ».
Averti, je continue mon chemin. Deuxième rencontre : tout près du Bar Arena sur l’avenue de la RDC. Un enfant est assis au milieu d’une foule. Les mains attachées. Il paraît qu’il est parmi une bande d’enfants qui volent et commettent des crimes avec des clous et autres objets tranchants. Oh mon Dieu ! Les clous ! Bébé, n’avait-il pas aussi un clou ? J’ai la chair de poule. Je décide de rentrer. Le lendemain, j’ai un rendez-vous avec Bébé. Mais c’était sans savoir ce qui m’attendait…
Dodo, la très jeune travailleuse de sexe
J’ai rendez-vous avec Bébé, comme convenu. Vers 22 heures, en chemin, je constate qu’à aucun moment de ma vie, j’ai imaginé faire une telle rencontre.
Tout près du restaurant Le Café Gourmand, devant l’ancien supermarché Chez Dimitri, trois jeunes filles attendent. Mais quoi ? Je les aborde : « Pourquoi êtes-vous ici, à cette heure-ci ? N’avez-vous pas où rentrer ? ». Une d’entre elles (la plus grande, appelons la Dodo), me répond : « Turindiriye abadutwara » (nous attendons des preneurs). Curieux, je leur demande ce que cela veut dire. Dodo me répond encore : « On attend quelqu’un qui va venir pour nous demander de passer une nuit avec lui ». Ah! Ces jeunes filles font donc le métier de travailleuse de sexe. Dodo, encore elle, me demande : « Tu me voulais ? »… Non, merci.
On continue notre discussion. Des prostituées, j’en ai déjà vu, mais là, sans savoir pourquoi, j’ai le cœur au bord des larmes. Elles m’apprennent qu’elles vivent à Buterere (un quartier populaire se trouvant à l’extrémité éloignée de Bujumbura) et que ce n’est pas la première fois qu’elles se trouvent ici. Vous pensez ! Des hommes qui les « prennent », il y en a beaucoup.
Des questions se bousculent dans ma tête. Je demande à la plus grande, Dodo, à quand date sa dernière nuit avec un homme. « Hier ! », répond-t-elle sans ambages. Était-il plus âgé que moi ? « oui, oui ! ». J’ai un doute. Dodo semble avoir tout au plus 13 ans. Ne parlons même pas des deux autres, elles ont à peine 11 ans. J’ai honte même de me retrouver tout près d’elles. Des voitures continuent de passer. Des gens pourraient croire que je suis venu « les prendre » aussi.
Je suis censé retrouver Bébé, mais je ne me sens pas le courage après cette rencontre avec Dodo et ses copines. Je suis encore sous le choc, mon esprit n’arrive pas à digérer le spectacle. Je saute dans le premier taxi qui passe, les larmes au bord des yeux et je rentre chez moi, assailli par des questions sans réponses : comment est-ce qu’une si petite fille se retrouve à exercer le métier de travailleuse de sexe en plein centre-ville de Bujumbura ? Comment empêcher des gamins, à peine sortis de la petite enfance, de devenir des criminels qualifiés ?
Ooh mon Dieu😭
😭
Trop triste, c’est quoi la suite??on les aide?, on les laisse là et on continue d’en parler??
Trop triste, j’espère que ça va reveiller nos esprits
Jewe nahora m’Uburundi haheze imyaka 15.
Ngenda muBwiza, hariho ahantu haruguru gato y’ubutambiro 5/5, ivyonabonye nubu sinzi ko noronka naho nohera mukubivuga(ndi Papa Waban-Aki 2 babigeme) mfise agahinda n’ibinazo vyinshi nabuze inyishu.
Icambabaje nuko n’Inyamira mabi ariho ziba ziri zirorera…
Bujumbura is a hell!
Ils font ça pour avoir une raison de vivre. Si tu les approches tu leurs proposent des études ou quelconque suivies éducatives, ils n’hésitent jamais à dire oui, mais y’en a ceux qui renoncent au fil du temps. On a pas tous eu la chance de recevoir une bonne éducation, ce qui est vraiment triste.
J’espère qu’il y aura une bonne redirection pour eux😭
Franchement, je trouve votre article utile, c’est très malheureux de voir une telle fille travailleuse de sexe encore à cet âge. nonobstant les instruments internationaux et nationaux misent en place pour la protection et la promotion de l’enfant en général ,les enfants de la rue se trouvent multiples dans notre pays le Burundi et on se demande ce qui cause ce déversement des enfants dans la rue, hélas .
Yaga merci infiniment de vos publications sociales.
Tragique💔😪
ooh mon dieu