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Un couple d’aides-maçons vivant dans les maisons inachevées

Les maisons inachevées font partie du décor des nouveaux quartiers dans les zones périphériques de Bujumbura. Ces endroits laissent apparaître un nouveau phénomène : des couples d’aides-maçons logent dans ces chantiers. Comment et quand s’installent-ils dans ces édifices ? Comment vivent-ils ? Nous avons passé une journée avec Josué* et Jeannette*.

7h du matin. Le vent humide du lac Tanganyika souffle sur le quartier Nyabugete de la zone Kanyosha en commune Muha. Ce quartier en chantier est en pleine évolution. Les rues sont bondées de nombreuses personnes et des véhicules. Des hommes et des femmes se ruent sur les chantiers des maisons en construction. Certains portent des sacs sur le dos, d’autres sont armés de marteaux, de mètres, de scies, de niveaux à bulle, etc. La plupart résident dans les montagnes surplombant la ville de Bujumbura. La preuve est que leurs chaussures sont couvertes de terre rouge. 

Le quartier en chantier est actif

Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec un couple d’aides-maçons. Josué et Jeannette habitent dans une maison en chantier. Contre toute attente, d’autres personnes m’ont devancé. Cinq personnes se rassemblent dans la cour de la maison inachevée à deux niveaux. Mais Josué et sa femme ne sont pas réveillés. Peut-être, la journée d’hier a été épuisante.

Les bonnes manières exigent. On ne peut pas entrer dans la maison, il faut attendre dehors. En attendant, nous échangeons avec l’un de ces jeunes hommes. Il confie que Josué leur a offert gratuitement un logement au rez-de-chaussée. « Nous sommes originaires de Nyabiraba. Depuis hier, nous avons décroché un emploi dans ce chantier en face. »

A ce moment, Josué sort du deuxième étage et descend par les escaliers avec un petit enfant dans ses bras. Derrière lui, sa femme tient une houe, une pioche et une pelle.

Josué nous présente à sa femme, Jeannette et nous annonce que les choses ne vont pas se passer comme prévu : « Ma femme est malade. L’énergie d’aller au travail n’est pas au rendez-vous. Dépêchons-nous, le temps file », dit-il. Nous sortons à grand pas. Ce jeune homme nous rassure : « Mon lieu de travail n’est pas loin. C’est à 300 mètres. Aujourd’hui, je travaille comme tâcheron. Je dois commencer à 7h 30. Ma rémunération est fixée 10 mille BIF.» 

Quand une maison inachevée sauve un couple

Au cours de ce petit trajet, émotif mais souriant, Josué accepte de se confier sur ses dernières années vécues dans les maisons inachevées. « Je suis originaire de la commune Mutambu. Je vis dans ces maisons inachevées depuis 2018. Lorsqu’une maison s’achève, toute suite, j’en cherche une autre », confie-t-il. Cependant, précise-t-il, celle-là est comme la sienne. Ils y logent depuis 2020. 

L’idée de se loger dans les maisons en chantier lui est venue en 2018 à cause de la fatigue : « Je parcourais 15 km par jour pour me rendre au boulot. Des fois, je tombais malade à cause de la fatigue.», raconte Josué.

Abattu, sans savoir comment s’en sortir, il a demandé à l’un des propriétaires d’une maison en chantier s’il pouvait l’engager comme veilleur. Il a accepté volontiers.
Malheureusement, à cette époque, sa relation avec sa femme était tendue. Ce jeune homme travaillait pour subvenir aux besoins de la famille. Mais son épouse se disait délaissée : « Elle se plaignait que je ne lui donnais pas assez de temps. Je quittais la maison à 4h du matin et j’y retournais à 20h. » Pour Josué, la raison avancée par sa moitié n’était pas légitime. L’essentiel, pour lui, est qu’il pourvoyait à tous les besoins.

Après dix mois, la situation est devenue intenable. D’abord, le chantier s’est arrêté. Puis, le propriétaire a voulu se débarrasser de Josué qui demandait un salaire alors que les activités étaient au point mort. Ensuite, sa femme se sentait fatiguée de vivre avec un homme qu’elle ne voyait dans son lit que deux nuits par semaine.

Pour s’en sortir, Josué n’avait que deux choix. Divorcer avec sa bien-aimée ou amener sa femme à Bujumbura. La deuxième option fut prise par ce couple. Toutefois, il y avait le problème du logement : « Ma femme a accepté de venir loger dans une maison inachevée. Et mon boss m’a autorisé à m’installer dans sa maison avec ma famille sous condition que je ne demande pas de salaire.»

 Le travail pénible…

Après 3 minutes de marche, nous sommes arrivés au boulot. Josué enlève la chemise et commence à piocher. « Je dois profiter de cette fraîcheur matinale. 15h au plus tard, je dois terminer de creuser la fouille en tranchée d’un mètre de profondeur.» D’après ce jeune homme, cette fosse est creusée dans le sol pour recevoir la semelle de fondation de l’édifice. 

Josué ne travaille pas en solo. Il s’observe une dizaine d’hommes et de femmes. Après une heure de travail, il est difficile de reconnaître Josué. Son visage est couvert de sueur et de poussière.

Il est midi et demi, le soleil est au Zénith. Les vendeuses ambulantes de nourriture débarquent. Tous les tacheront en achètent excepté Josué. Une assiette se vend 1500 BIF. Josué sort de la semelle et remet sa chemise « Je n’ai pas fait de commande. Je vais manger à la maison. Ma femme est en train de préparer la nourriture.», explique-t-il.

Midi, heure du déjeuner

Ce jeune homme tout couvert de poussière accepte que nous l’accompagnons déjeuner. Et il en est heureux : « Aujourd’hui, je me suis levé du pied droit. Il ne me reste que quelques pioches pour achever ma tâche.» Ici, poursuit Josué, la vie est chère. On ne parvient pas à mettre de côté un seul sous. Avant que sa femme ne vienne vivre en ville, Josué épargnait 100 mille BIF par mois. D’ailleurs, il a acheté une parcelle de 2 millions BIF au village.

Pour le moment, enchaîne ce jeune homme, l’avenir familial est incertain, nous consommons tout le revenu. Au moment où il prononce cette phrase, nous franchissons la porte d’entrée de la maison et il passe de suite la parole à sa femme : « Demandez-lui, elle vous racontera comment nous survivons dans ce quartier où tous les produits coûtent les yeux de la tête.». Jeannette commence par nous souhaiter la bienvenue et nous propose à manger. Elle place deux assiettes sur la table. L’un contient la patate de maïs et l’autre est remplie de poissons cuites à l’huile de palme. « Mushitsi, ng’izi imfungurwa dufungura kenshi. (Cher visiteur, voilà notre recette quotidienne, Ndlr). Des fois, nous alternons avec le riz et les haricots. », s’explique Jeannette 

Vivre avec lui vaut plus que de l’or 

Contrairement à son mari, Jeannette trouve que la vie n’est pas si compliquée dans cette maison inachevée « Nous vivons au standard de la plupart des habitants de ce quartier. On s’approvisionne sur le même marché et les prix sont les mêmes. » 

Et d’expliquer, il n’y a pas que les petits gens comme nous qui mangeons de la patate de maïs, Indagara, de haricots et du riz. À la boutique, on y rencontre aussi des travailleurs de ces maisons huppées. Eux aussi, ils achètent des haricots, de la farine de maïs et le riz.

Jeannette se dit épanouie. Actuellement, elle se sent réellement en couple. « Je suis heureuse. Notre couple se construit chaque jour. On partage des idées sur nos projets. On s’évalue, on se critique, on s’encourage et on s’ajuste, on se console et on pleure ensemble et on avance.» Et d’ajouter, « vivre avec de celui qu’on aime vaut plus que des millions de BIF. »

14h, Josué retourne au travail. Après une heure, ce jeune homme achève sa tâche et attend le paiement. Cela prend du temps car le boss n’est pas là. Josué rentre, en attendant voir sa femme. Il reviendra vers 16h pour sa paye.

 

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