S’il faut comprendre la cherté de la vie à Bujumbura, un couple d’enseignants, tous deux affectés à l’intérieur du pays est un bon exemple pour prendre conscience des gymnastiques quotidiennes des Bujumburois.
Le titre pourrait semer des confusions. « Un enseignant du secondaire ne pourrait tout de même pas percevoir 80.000 fbu par mois. Oya nawe ! ». Ces doutes sont justifiés. En effet, le salaire d’un enseignant n’est pas de 80.000 Fbu. Notre source ne perçoit (normalement) pas cette modique somme à la fin du mois. Du moins, ce n’est pas ce qui est mentionné sur sa fiche de paie. Si ce couple d’enseignants touche si peu, c’est parce que la banque récupère ses dus.
Christine*, enseignante au secondaire, dans une des communes de Muramvya, percevrait normalement 300.000 fbu, mais avec son crédit bancaire, elle doit rembourser 220.000 fbu à chaque fin du mois. Jean Marie*, son mari, lui aussi enseignant à l’intérieur du pays, est cloué de dettes, tellement qu’il n’ose même pas avouer ce qui lui reste sur son maigre salaire de 330.000 fbu, à la fin du mois. « Considérez qu’il ne me reste rien. C’est mieux comme ça. »
Vivre à Bujumbura, malgré tout
Certains blagueurs disent que « le Messi a demandé d’attendre son retour dans les villes ». Christine et Jean Marie résistent tant bien que mal aux défis économiques de la capitale économique.
Le jour de notre rencontre à leur domicile, au sud de Bujumbura, ils sont tous les deux hors services. Christine est en day off et Jean Marie est un peu souffrant, il a la grippe. Malgré les soucis financiers, le couple semble heureux et garde le sourire aux lèvres. « Nous sommes parmi tant d’autres qui font des équations pour survivre. Et je peux affirmer que nous ne sommes pas les derniers.», optimise Christine.
Je suis alors curieux de connaître leurs dépenses mensuelles, la ration journalière, la gestion de leurs 3 enfants, sans oublier les cotisations aux cérémonies familiales et autres de chaque week end.
Christine pouffe de rire : « A chaque fois qu’on prend un papier pour calculer nos dépenses, on le déchire après quelques lignes seulement, par frustration. Nous-mêmes sommes incapables d’inventorier nos dépenses, car elles surpassent de loin nos revenus. »
Elle indique que les 80.000 fbu qui lui restent à chaque fin du mois, sont déjà insuffisants pour les frais de déplacements vers son lieu de travail. « On se lève tôt le matin, à 4h45 min, pour espérer regagner nos lieux de travail à temps. Chacun consomme autour de 6.000 fbu dans les déplacements par jour. A considérer que nous travaillons 3 fois par semaine, à deux, nous consommons autour de 140.000 fbu, une somme qui surpasse de loin ce que nous percevons, après avoir remis à César ce qui lui appartient.»
Pour la ration, Christine indique qu’ils ne peuvent plus s’offrir quelques plats qui sont devenus un luxe pour eux, notamment le riz et la sauce.
Le recours aux dettes, malgré eux
« C’est pratiquement impossible de vivre à Bujumbura sans s’endetter. Pour nous autres enseignants, on ne peut pas faire autrement, c’est certain. », indique Jean Marie.
Ainsi donc, pour quitter les casse-tête des locations d’habitations, le couple a contracté un crédit bancaire de 15.000.000 fbu pour s’offrir une petite maison. « Ce crédit nous a certes aidé à sortir du stress du loyer, mais, nous avons par la suite peiné pour joindre les deux bouts du mois, avec la flambée des prix des produits de première nécessité, je parle surtout de la nourriture. Les déplacements vers nos lieux de travail devenaient pratiquement impossible.», révèle Christine.
Son mari glisse : « Maintenant, je commence à regretter notre choix de construire une maison. Cet argent, on aurait dû l’investir dans un business qui pourrait nous ramener de l’argent pour mieux vivre, et s’offrir le luxe de construire une maison avec du bénéfice, pas avec des crédits.»
Pour essayer de s’en sortir, le couple a encore contracté un crédit pour s’offrir un taxi voiture, afin d’assurer certaines dépenses quotidiennes. « Je n’emploie pas de chauffeur. Je l’utilise à chaque fois que je ne suis pas à mon travail, à raison de 2 à 3 jours par semaine. Je me repose les dimanches. Par jour, mon gain tourne autour de 12.000 fbu à 15.000 fbu par jour. Cette somme couvre presque seulement nos déplacements vers les lieux de travail, à l’intérieur du pays. Le reste, c’est comme si Dieu s’en chargeait. », confie Jean Marie, le mari.
Christine a aussi tenté quelques activités supplémentaires comme la vente du lait, un secrétariat public, sans faire long feu, car, il lui était difficile d’y prospérer d’autant plus que le bénéfice était constamment utilisé, le capital également perturbé par les urgences.
A l’heure qu’il est, le couple s’est orienté vers les associations coopératives d’épargne et de crédits. « Au moins, dans ce genre d’associations, les intérêts sont minimes, et l’épargne génère de l’intérêt considérable, comparativement aux banques », reconnait Christine.