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Mpanda : entre les tombes silencieuses, du business

« Tout change, tout évolue » ; chantait Alpha Blondy. Si aujourd’Hui la zone de Gatumba à l’Ouest du Burundi ne sera plus la même sous les effets du changement climatique, juste dans son voisinage, Mpanda ne veut pas être en reste. Son lot de changements est là ; en découdre avec nos pratiques ancestrales. Notre contributrice a été témoin d’une scène des moins habituelles. Récit.  

Samedi matin. Le soleil émerge timidement derrière les collines de Mpanda. Sur mon agenda, assister à l’enterrement d’un proche d’une amie à moi. C’était l’un de ces jours où le destin se joue à la croisée des chemins, entre la tradition et la modernité, entre le deuil et la vie qui continue.

Mon périple vers Mpanda commença dans un mélange de hâte et de réticence. La soirée avait été animée et si longue. Hélas ! Je suis en retard, à la morgue pour les derniers hommages. Le convoi a déjà pris la route pour Mpanda, le cimetière. Les transports ne vont pas me faciliter le rattrapage avec cette pénurie de carburant.

Dieu est grand ! Un ami au cœur généreux et au sens de l’urgence bien aiguisé surgit. Il m’a secouru de mon retard en me dénichant un moyen de locomotion. Je lui en serai éternellement reconnaissant, car dans cette contrée où le carburant se fait rare, chaque goutte compte. Ouf ! J’allais rater le rendez-vous.

Du business coute que coute, même au cimetière

À cause de mon retard, il n’y avait plus de chaises disponibles malgré les nombreuses tentes réservées pour le culte d’adieu au défunt. Dans notre culture, les places assises sont d’abord réservées aux aînés, une tradition que j’ai due respecter. Je suis donc restée debout malgré la fatigue que je ressentais, laissant mon esprit vagabonder entre les souvenirs et les réflexions.

Mpanda défend toujours fièrement son rôle de cimetière. Les gens sont silencieux, d’autres fondent en larmes par moment. C’est la tristesse qui peint les visages fermés. De l’autre côté, une scène qui semble tirée d’un tableau de la vie quotidienne de Burundais retient mon attention. Vous les avez tous vu, ces jeunes, déambulant avec leurs modestes cartons de mouchoirs et de bouteilles d’eau ou de jus ? Leur regard scrutait les rangs des participants, à la recherche de ceux qui, comme moi, auraient besoin d’un siège pour se reposer ou d’un parapluie pour se protéger du soleil capricieux.

Réfléchissons un peu. Ces jeunes « entrepreneurs improvisés », avec leurs vélos chargés de chaises et de parapluies, n’incarnent-ils pas à leur manière l’esprit d’ingéniosité et de débrouillardise qui anime la jeunesse burundaise ? A mon sens, si. Pour une somme modique de 1000 Bif, ils offrent confort et commodité à ceux qui en ont besoin, dans un élan de solidarité qui contraste avec la solennité de l’occasion. Ce qui m’a particulièrement marquée, c’est la manière humble et attentive avec laquelle ces jeunes scrutent les besoins de gens.

Lieu de fracture entre passé et présent ?

Au sein de cette scène inanimée, une ombre plane sur le cimetière. Des endeuillés, peut-être rongés par la précarité économique ou influencés par des tendances occidentales, optent pour des rituels de deuil expéditifs, sans les traditions et les honneurs qui leur étaient autrefois accordés. « Gukaraba », pratiqué à même les tombes, semble symboliser cette fracture entre passé et présent, entre héritage culturel et modernité émergente. Je n’en crois pas mes petits yeux.

Vivement, à mon retour à la maison. Je partage ce vécu avec ma grand-mère, gardienne sage des traditions et des récits ancestraux. Pour elle, notre société est en parfaite mutation, ni moins ni plus. Les cérémonies de mariage et de dots combinées, les rituels simplifiés, les pratiques commerciales innovantes, autant de manifestations d’une époque en constante évolution, où les anciennes coutumes se heurtent aux impératifs de la vie moderne.

Ainsi, au cœur même de Mpanda, entre les tombes silencieuses et les commerces ambulants, se dessine le portrait d’une communauté en quête d’équilibre, entre héritage et changement, entre tradition et progrès.

Et si mes observations peuvent sembler insolites ou dérangeantes pour certains, elles ne sont que le reflet fidèle d’une réalité complexe, où le passé et le présent se rencontrent, se confrontent et parfois se réconcilient, dans la grande danse de la vie.

 

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