Pourquoi se cacher alors que sa cause est noble et juste ? Si la question fait débat depuis la publication sur un compte pseudonyme du réseau social Snapchat d’une série de révélations d’agressions sexuelles et d’abus en tout genre commis dans notre pays, le contexte national n’y est sans doute pas étranger. Quoi qu’il en soit, chère Vicitimxxx, tu as toute mon admiration. D’où cette lettre.
Cher(e) Victimxxx,
Je tiens à t’exprimer mon admiration. Ton compte anonyme, où les victimes de violences et d’agressions sexuelles peuvent témoigner en toute sécurité, est une bouée d’espoir dans un océan souvent hostile à la vérité et à la justice.
Chaque récit partagé est une pierre lancée contre le mur du silence, une lumière perçant l’obscurité de l’indifférence. Des noms résonnent, des personnalités publiques éclaboussées par la réalité crue de leurs actes.
Je comprends ta démarche. Ton anonymat est un bouclier fragile dans un monde où la justice pour les victimes est bien souvent aux abonnés absents. Ta prudence n’est pas sans rappeler le cas tragique d’Emilienne Sibomana, cette secrétaire qui a accusé publiquement le directeur du Lycée Christ-Roi d’abuser sexuellement des élèves et qui se retrouve depuis derrière les barreaux. Aux dernières nouvelles, elle est condamnée pour une peine de servitude pénale de 5 ans et au versement des dommages et intérêts de 5 millions de BIF. Cette affaire est un sombre rappel de la violence de ceux qui détiennent le pouvoir. Se cacher devient alors non seulement un acte de prudence, mais aussi un cri de survie.
D’ailleurs, comment ne pas évoquer l’écart entre le nombre de procès intentés en justice et le nombre de jugements rendus. Selon le journal Iwacu, en 2020, sur 1 062 cas de violences sexuelles enregistrés au cours de l’année 2020 dans un centre de prise en charge, seules 318 plaintes ont été portées à la connaissance de la police, 95 dossiers devant les tribunaux et les parquets. Le centre Seruka dénombre seulement 18 jugements rendus dont 14 condamnations des coupables.
Cher(e) Victimxxx,
Chaque témoignage partagé sous l’égide de l’anonymat révèle une face sombre de notre société, où la confiance est trahie et où les prédateurs se cachent parmi nous, souvent masqués derrière des visages familiers. Amis, membres de la famille, voisins, médecins, enseignants, supérieurs hiérarchiques, etc. Ce sont ceux en qui nous avons été éduqués à faire confiance, ceux que nous pensions connaître. Et pourtant, derrière ces visages amicaux se cachent parfois des intentions malveillantes, des actes de violence insoupçonnés. Quant à toi, femme, qui ose détourner ton regard quand ton semblable se fait agresser, shame on you !
La prise de conscience de cette réalité ébranle nos fondations et remet en question nos perceptions du monde qui nous entoure. La menace peut surgir de n’importe où et personne n’est à l’abri. Cela nous confronte à une vérité brutale : la sécurité est une illusion fragile et la confiance aveugle peut nous conduire à des abîmes insondables.
Chers anonymes,
Merci. En parlant, vous ouvrez la voie à d’autres pour qu’ils parlent à leur tour. Vous brisez le silence qui entoure ces actes odieux et vous permettez à la lumière de pénétrer dans les ténèbres. Surtout, n’oubliez pas, vous n’êtes pas seuls. Nous sommes avec vous.
Avec tout mon amour et mon soutien.
Quelle souffrance pour la victime qui n’est pas reconnue comme telle.