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La justice au-delà des railleries

Après les audiences du procès de Bunyoni et consorts, la toile s’est enflammée. Tout le monde voulait y aller de sa petite phrase, comme si cette triste affaire devenait une foire aux blagues. D’autres ont jeté l’opprobre sur les prévenus alors que le juge ne s’est pas encore prononcé. Maintenant que la tension est descendue d’un cran, ce blogueur propose de revenir sur certaines notions juridiques pour permettre au lecteur de se situer par rapport à cette affaire qui défraie la chronique. 

Les fous du clavier se sont encore déchaînés quand ils ont entendu dire que l’ancien Premier ministre déchu, Alain Guillaume Bunyoni posséderait 153 maisons et 55 véhicules. Ils se sont mis à gloser sur l’immensité de sa fortune. Le chiffre 153 a créé le délire des abonnés de X (ancien Twitter). Sauf qu’il s’agit d’un fait soulevé par le ministère public dont la véracité n’a pas encore été adoptée par le juge. Ici, il faut déjà distinguer les parties aux procès. Il y a le ministère public qui constitue la partie accusatrice dans un procès pénal. On a aussi la partie défenderesse opposée à la première. 

Dans un procès pénal, il peut y avoir une troisième partie qu’on appelle la partie civile. On peut se constituer partie civile lorsqu’on a intérêt à se joindre au procès. C’est souvent le cas lorsque l’infraction a causé du tort à une tierce personne et qu’il s’agit de demander des dommages et intérêts. Les deux parties établissent des conclusions qui renferment les griefs dont elles s’accusent. Ce sont ces conclusions qui sont exposées au juge pour qu’il statue sur le cas, dans une procédure dite accusatoire. 

Que signifie instruire à charge et à décharge ? 

De ce qui vient d’être dit, il faut ajouter que le ministère public ou le juge d’instruction instruit à charge et à décharger, ce qui veut dire que l’officier du ministère public ou le juge d’instruction doit chercher les preuves de l’éventuelle culpabilité de la personne mise en examen, mais aussi les preuves de sa possible innocence dans la phase dite inquisitoire du procès. Est-ce le cas pour l’affaire Bunyoni et consorts ? Chacun se fera sa propre idée. 

Cela fait appel à une autre notion très importante : la présomption d’innocence. Cela veut dire que toute personne accusée d’avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie. Autrement dit, on n’est jamais présumé coupable à l’état actuel du droit positif burundais. Pour rappel, la présomption d’innocence est aussi un principe reconnu par la déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH, article 11, al 1). 

Actori incumbit probatio

Ne vous étonnez pas si certains principes du droit sont souvent cité en Latin, c’est que le droit burundais a hérité du droit belge qui s’inspire du droit français, qui lui-même s’inspire du droit romain. Donc Actori incubit probation est un principe qui veut dire que le fardeau de la preuve incombe au demandeur. En d’autres termes, c’est celui qui accuse qui apporte la preuve de ses allégations. Dans un procès pénal, cette tâche revient souvent au ministère public, sauf peut-être en cas de citation directe où le plaignant s’adresse directement au juge pénal. 

Le verdict 

Après les audiences, le siège prend l’affaire en délibéré. C’est la partie technique de l’affaire où les juges étudient minutieusement l’affaire et prennent une décision ou jugement. C’est cette décision qui est prononcée solennellement qu’on appelle verdict. Après le jugement, le juge est dessaisi du dossier. Après le jugement, celui qui n’est pas satisfait peut toujours interjeter appel dans une juridiction supérieure. Ici, il sied de signaler que le juge saisi a l’obligation de se prononcer, dans le cas contraire, il peut se rendre coupable de déni de justice que le droit désapprouve.

 

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