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Burundi : comment faire face aux démons du passé ?

Dans les pays post conflit, les dates commémoratives ravivent les démons du passé et cela se traduit souvent par des messages haineux. Comment y faire face ? Le point avec Jean Bosco Harerimana, expert en justice transitionnelle.

Quelles sont les raisons de la résurgence des messages de haine à l’approche de la commémoration des évènements douloureux qui ont marqué notre histoire ?

JB Harerimana : Cela rappelle aux victimes ou aux survivants la douleur indicible qu’on a vécue et démontre un besoin profond de guérison. C’est l’expression d’un traumatisme non traité que ressentent les victimes ou les survivants des événements douloureux que nous avons traversés.

Ce sont aussi les revendications des victimes. Toutes les victimes des différentes crises ne disposent pas d’espaces propres pour s’exprimer. Ce manque d’espace pour s’exprimer conduit à un sentiment de non reconnaissance des victimes par l’opinion publique que ce soit au niveau local, communal, provincial, national voire international. L’approche de ces dates commémoratives est une opportunité pour les victimes de prouver leur existence.

Du côté des bourreaux potentiels, il y a provocation d’un débat pour que les événements soient mis au grand jour et qu’ils soient discutés dans l’espoir de démontrer qu’il y a des victimes qui se sentent plus victimes que les autres et qui tentent d’occuper tout l’espace et qui refusent toute autre idée qui dit que les autres sont aussi des victimes. C’est une sorte de concurrence mémorielle où les victimes tentent de se positionner par rapport à un événement, à une date donnée.

Pourquoi les jeunes semblent être impliqués plus que les autres alors qu’ils n’ont pas pour la plupart vécu ces événements ?

JB Harerimana : Les jeunes semblent plus impliqués que les autres même s’ils n’ont pas vécu ces événements parce qu’il y a un manque criant d’éclairage. Ils sont souvent au courant d’une vérité bornée qui se limite à leur commune, à leur colline, à leur village, à leur famille et ils ne prennent que cela pour vérité. Quand ils s’expriment, ils expriment les idées de leur socialisation familiale, communautaire qui leur dit ce qui s’est passé, mais sans être complet, sans amener d’autres perspectives, sans élargir les horizons envers d’autres communautés, d’autres communes, d’autres zones géographiques. C’est de cette manière par exemple que certains déplacés disent une vérité basée sur leur vie. Ceux qui ont vécu les événements ou les descendants des victimes d’événements d’une date x s’expriment sur base de cette date et de ce qui s’est passé dans leurs communautés.

Que devrait être l’attitude des victimes ou toute personne qui commémore ces dates ?

JB Harerimana : La première attitude est de se placer dans le contexte et de se demander pourquoi on commémore ? On commémore parce qu’on a souffert. On commémore pour que ce qui est arrivé par le passé, n’arrive plus. Il faut s’inscrire dans la démarche actuelle de recherche de la vérité, de la réconciliation pour enfin bâtir un seul Etat-nation qui sert d’abri pour toutes les composantes ethniques et géographiques.

 

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