Malgré la révision du code foncier de 2011, la loi est toujours silencieuse quant au droit de la femme burundaise à la terre. En ce mois de mars dédié à la lutte des droits de la femme, quid de l’état des lieux du droit foncier pour la femme burundaise ?
Partons d’une simple démonstration arithmétique. L’hypothèse montre que 97 % des femmes burundaises travaillent dans l’agriculture, constituant 53 % de la population active agricole. Le hic, en 2008 lors du dernier recensement général de la population et de l’habitat, sur 80,2 % des propriétaires fonciers, ils étaient 62,5 % des hommes contre 17,7 % des femmes. La thèse face à cette triste réalité est qu’au Burundi, les femmes travaillent toute leur vie sur une terre qui ne leur appartient pas.
Notre démonstration s’appuie aussi sur la théorie qui montre qu’est propriétaire d’une terre celui qui a un certificat foncier qui l’atteste. En juillet 2015, lors d’une analyse dans 40 services fonciers visités, sur les 89 240 demandes de certificats fonciers qui avaient été reçus, seul 6 797 demandes avaient été introduites par les femmes, soit 7,6 %. Et parmi les 58 722 certificats fonciers qui ont été établis, 4 497 appartenaient aux femmes, soit 7,7 %. De plus, 49 101 certificats fonciers ont été retirés, dont 3 688 certificats fonciers pour les femmes, soit 7,5 %. Et dans cette même analyse de 2015, sur 148 542 terrains mesurés, seulement 7 527 terrains, soit 5,1 %, étaient reconnus par la communauté comme appartenant aux femmes. Voilà ce qu’il fallait démontrer.
Militer plutôt que célébrer
Ces chiffres très bas, c’est la preuve que la Burundaise et le droit foncier est un couple mal assorti. Le 8 mars, l’heure ne devrait pas être à la fête alors que dans les étendues agricoles à perte de vue de nos milieux ruraux, ces Burundaises avec des pieds aux crevasses disgracieuses et mains calleuses portent les stigmates de ce martyr muet. Cette démonstration témoigne qu’elles se plient à moult sacrifices pour cultiver cette terre qui les a vus grandir, mais qui ne leur appartient pas. Cette terre qu’elles nourrissent de leurs sueurs et de leurs espoirs, alors qu’elles n’en jouissent pas de plein droit.
Leurs doigts, ankylosés par la rugosité de la houe, qui n’effleureront peut-être jamais ce sésame foncier qu’est le certificat foncier. Pourquoi ? Parce qu’en matière de la défense des droits fonciers, les femmes ont encore du chemin à faire. L’accès à la justice pour revendiquer leurs droits fonciers est encore un chemin de croix. Seulement 38 % des plaignants sur les litiges fonciers étaient des femmes en 2009, contre 62 % des hommes. Pour 2014, sur 1807 litiges fonciers portés devant dix tribunaux, 49 % des litiges ont été introduits par les femmes contre 51 % par des hommes.
La lutte est plus que nécessaire
Pour comprendre pourquoi une femme a droit à la terre, le cas de Buhinyuza devrait servir d’exemple à ceux qui pensent que l’heure du 8 mars est à la réjouissance. Dans cette commune de Muyinga, 59,5 % des hommes ont mentionné leurs épouses sur les certificats fonciers, et 21,5 % des femmes ont mentionné leurs conjoints. Selon Consolate Manirampa, habitant cette commune, son certificat foncier est un bouclier contre les violences foncières basées sur le genre : « j’ai dû me battre dans les tribunaux pour figurer sur ce certificat ». Aujourd’hui, renchérit-elle, « mon certificat foncier est considéré comme mon diplôme et bouclier. Grâce à ce certificat, je suis en mesure de demander un prêt dans une institution de microfinance, d’exercer des activités génératrices de revenus, de m’autonomiser et d’offrir une vie décente à ma famille ».
Il est donc impérieux de briser les barrières juridiques liées aux droits fonciers des femmes, faciliter le dialogue sur l’égalité des genres et mettre en place des politiques de développement autour de la question foncière des femmes pour que le 8 mars de l’an prochain puisse se fêter comme il se doit.
