Une jeune mère disparue, un bébé prématuré laissé seul, un corps retrouvé dans la rivière Ruvyironza, un mari incarcéré, des zones d’ombre dans le dossier judiciaire…. À Gitega, le meurtre de Nadine Bukuru est entouré d’un véritable mystère. Comment une famille qui baignait dans le bonheur après la naissance de son premier enfant a-t-elle été emportée par le tourbillon d’un terrible meurtre ? Que s’est-il réellement passé ? Plongée au cœur d’une enquête où chaque piste soulève plus de questions que de réponses.
(Pré-scriptum : pendant l’enquête, plusieurs sources ont requis l’anonymat pour leur sécurité, d’où des pseudonymes ou des propos paraphrasés)
Tout commence au soir du 17 avril 2025. Nadine Bukuru, après avoir vu le médecin traitant de son bébé, sort de l’hôpital en coup de vent à 21h30. Elle laisse son bébé, qui est sous lampe chauffante et pousse-seringue (car il est né prématurément). Elle répond à un appel de quelqu’un se trouvant dans un véhicule, à l’extérieur de l’hôpital. Elle a juste le temps d’enfiler son chemisier. Personne ne reverra Nadine. Personne ne sait qui est venu lui dire que quelqu’un l’attendait dehors, puisque son téléphone avait disparu la veille. Le lendemain, 18 avril 2025, l’alerte est lancée. Très vite, sa grande sœur, Seconde Mukeshimana, habitant à Bururi, rejoint Gitega en catimini pour comprendre ce qui s’est passé. Elle s’étonne de la nonchalance de son beau-frère à annoncer la disparition de sa femme. Il n’a même pas pris le temps d’informer l’administration de l’hôpital. En revanche, il se montre confiant qu’elle sera bientôt retrouvée.
Toujours est-il que son corps sera découvert le 19 avril 2025 vers 17h30 par des riverains de la Ruvyironza, précisément à l’endroit connu sous le nom de Kuga Tuyau, sur la colline de Bihororo, commune Giheta. Certains veulent l’enterrer directement, d’autres s’y opposent, car le corps présente des plaies et d’autres signes laissant penser à un meurtre. Il est alors amené à l’hôpital Saint Joseph de Giheta. Les enquêtes commencent. C’est Claude Minani (nom d’emprunt), un des habitants présents sur les lieux, qui reconnaît la victime et informe l’autorité compétente. Son mari est immédiatement averti. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il ne viendra pas voir la dépouille de son épouse à Giheta. Après l’expertise médicale, le corps sera évacué à la morgue de l’hôpital régional de Gitega aux alentours de 23h30.
Les agissements étranges du principal suspect
Nous l’avons déjà signalé, Audace Niyonizeye, laborantin à l’hôpital américain de Kibuye, n’a pas daigné se déplacer à Giheta quand on lui a annoncé la mort de sa femme, alors que quelqu’un avec qui il prenait un verre dans un bar de la ville de Gitega lui avait proposé de lui prêter sa moto pour s’y rendre. Comme l’a témoigné Claude, déjà cité, sieur Audace ne se présentera qu’à minuit à la morgue de Gitega, accompagné d’au moins quatre individus, pour affirmer que sa femme ne devait en aucun cas être mise dans la chambre froide de la morgue, qu’elle devait être enterrée immédiatement car elle était musulmane, chose que la famille de la victime a formellement démentie. Il ne s’est pas arrêté là : il s’est opposé à l’enregistrement de la défunte sur la liste des corps conservés dans la morgue. Comme nous l’a raconté notre témoin, s’en est suivi une altercation entre Audace, l’OPJ qui accompagnait le corps depuis Giheta, et l’agent en faction à la morgue. Audace et ses acolytes ont arraché le registre d’enregistrement des corps à l’agent de faction, avant de se heurter à l’OPJ, qui a par la suite sollicité l’aide des agents de sécurité de l’hôpital. Le directeur général, alerté de l’incident, est venu en rescousse pour calmer la situation, nous a raconté un autre témoin oculaire de la scène. Audace sera arrêté le 22 avril 2025 avec un certain Mélance Ndihokubwayo, soit trois jours après la découverte du corps de sa femme ; Nadine Bukuru.
La douleur d’une famille déchirée
Le mardi 11 juin, nous nous rendons en commune Bururi, direction Buta, zone Muzenga, colline Muzima, où résident les parents de Nadine. Son père, sa mère et ses deux sœurs nous accueillent. Le père de Nadine, Balthazar Niyungeko, nous raconte comment ils ont appris la terrible nouvelle. Le matin du 18 avril 2025, le père de Nadine reçoit un appel alarmant de son gendre : la veille, pendant la nuit, Nadine a disparu de la chambre de l’hôpital où elle avait été admise après avoir été césarisée et avoir accouché prématurément le 9 avril 2025. Incompréhensible ! Inexplicable ! Comment une personne peut-elle disparaître sans laisser de trace ? Sa mère, Marianne Niyomfise, se souvient de ses nombreux appels pour féliciter sa fille après l’accouchement, sans succès, car « son mari lui avait retiré son portable ». Et voilà que le 19 avril, le lendemain de l’annonce de sa disparition, la terrible nouvelle tombe : Nadine est morte ! Nadine Bukuru était née le 24 octobre 1994. Elle s’était mariée le 13 juillet 2024. Le couple vivait ensemble à Nyabisindu, un quartier de la ville de Gitega. Et ce cri d’un père meurtri pour la justice : « Intambwe ku yindi tumenye uwatwiciye uwacu bunyamaswa » – [« Nous devons à tout prix connaître le sauvage meurtier de la nôtre »].
Après le décès, le corps de Nadine restera près d’un mois à la morgue, en attente d’inhumation. La belle-famille voulait que leur fils soit d’abord relâché avant de préparer les cérémonies funéraires, c’est finalement la famille de la victime qui prendra les choses en main. Avec l’autorisation du ministère de l’Intérieur, Nadine Bukuru serait finalement inhumée le 7 mai 2025 au cimetière de Kagomogomo de Buta, où son âme repose en paix, en attendant que justice lui soit rendue. Fait marquant : aucun membre de la belle-famille n’était présent aux obsèques de la défunte.
Des mystères non encore élucidés
Selon les proches de Nadine, rien ne laissait présager un tel drame. Rappelons un détail intrigant : son téléphone avait été dérobé la veille de sa disparition. Hasard ou tentative d’isolement ? Bien malin qui saurait répondre à cette question.
Divine Irakoze (nom d’emprunt), une femme restée proche de Nadine durant ses derniers jours, nous a confié qu’elle ne lui avait jamais paru inquiète ou anxieuse. Rien dans son comportement ne laissait présager le drame.
Comment a-t-elle pu sortir de l’hôpital à 21h30 ? Une source au sein de l’hôpital régional de Gitega a fourni quelques informations : « Conformément aux procédures des services hospitaliers qui précisent les horaires et rendez-vous entre patients et médecins, Nadine, comme tout autre patient, n’était pas interdite de sortir. Toutefois, elle devait respecter les programmes et consultations prévus avec le médecin ». L’hôpital ne contrôle pas les allées et venues des patients, qui sont libres de circuler. D’autant plus que Nadine n’était même plus une patiente. Elle restait à l’hôpital uniquement parce que son enfant, placé en néonatalogie, sous lampe chauffante, nécessitait des soins. Autrement dit, elle était libre de ses mouvements.
La famille a un grief contre l’hôpital régional de Gitega. Après une procédure qu’elle n’a pas comprise, l’hôpital a confié le bébé à son oncle paternel, Japhet Nimpagaritse, le 28 mai 2025. Ce dernier habite à Rutegama, en commune Gitega. Cette décision suscite l’inquiétude de la famille de Nadine, car au début de l’affaire, Japhet figurait parmi les personnes qui devaient être auditionnées, selon toujours la famille de Nadine. Quand nous l’avons joint au téléphone, Japhet a indiqué que le bébé allait bien. Quand nous lui avons demandé ce qu’il pensait de cette affaire, il a déclaré : « Il faut attendre le verdict de la justice ». Quant à la question de savoir pourquoi son audition a été annulée, il a répondu : « Il faut consulter le dossier ».
Une phase judiciaire aux débuts incertains
Le dossier RMPG 10321 a déjà été ouvert au parquet général près de la Cour d’appel de Gitega. Nous l’avons dit, deux suspects, dont le mari, sont en détention. Mais la famille de la victime n’est pas sereine quant au processus judiciaire en cours. Elle perçoit une certaine tendance à accréditer la théorie du suicide dans cette affaire. Nous avons pu voir les photos du corps de la victime prises lors de sa découverte sur les rives de la Ruvyironza. Impossible de croire à cette théorie, compte tenu des blessures présentes au niveau du cou et du torse. Une autre source, que nous nommerons Jean Bosco, impliquée dans l’instruction de ce dossier, a été claire : « Nadine a été étranglée avec une corde, puis poignardée avec un objet contondant ». Jean Bosco récuse la théorie du suicide : « Le corps n’a pas séjourné longtemps dans l’eau. Il n’y a aucun doute, elle a été tuée ailleurs puis jetée dans la rivière ». Par ailleurs, notre source se demande si toutes les pistes ont été explorées. Par exemple, les téléphones de la victime et du suspect ont-ils été exploités ? Elle s’interroge aussi sur le fait que certains témoins, notamment ceux qui ont trouvé le corps et ceux qui l’ont identifié, n’aient pas encore été entendus. La famille soupçonne le procureur général de Gitega de ne pas être impartial dans cette affaire. L’avocat de la famille a déjà déposé une demande de délocalisation du procès auprès du Parquet général de la République à Bujumbura. Le ministre de la Justice a aussi reçu la famille de la victime, qui lui a fait part de ses inquiétudes et doléances. Ce dernier a renvoyé la famille au Procureur général de la République.
Nous avons joint Mme Félicité Nishemezwe, procureure générale de le République près la Cour d’appel de Gitega pour lui poser certaines questions, entre autres, ce qu’elle pense du fait que la famille s’en est remise au ministre de la Justice parce qu’elle juge sa conduite de l’affaire partiale et surtout pourquoi on a confié le bébé orphelin de mère à Japhet Nimpagaritse, le frère de l’accusé, alors qu’il faisait partie de ceux qui devait être auditionné. A toutes ces questions, la procureure nous a répondu qu’elle ne donne pas d’informations au téléphone. Elle a par ailleurs évoqué le secret de l’instruction qui lui interdit de communiquer avec les médias sur une affaire en cours. Elle nous a également rappelé que même pendant la phase de jugement, le juge peut décider le huis-clos.
L’hôpital de Gitega guetté par une poursuite en justice
Dans sa quête de justice, la famille de la victime, par le biais de Me Alexandre Gatavu, son avocat, compte faire comparaître l’hôpital. Elle ne comprend pas comment ce dernier ne s’est pas occupé du cas de Nadine lorsqu’il a appris sa mort, alors que son bébé était hospitalisé dans ses murs, d’autant plus que le directeur général de cette structure de soins avait assisté au comportement plus qu’étrange de son mari.
PS : au moment de la publication, nous apprenons que deux témoins parmi ceux qui ont découvert et identifié le corps ont été auditionnés par la procureure générale de la République près la Cour d’Appel de Gitega.
Ivyuko bamwatse fone harimwo akantu bogakorerako cne nukuntu umugabo yitwae navyo birafise ico bisigur ubutungane bukore neza hamenyekan nukintu catumye asohoka hopital
Merci pour les détails mais l’article contienne des termes en peu compliqués qu’il faudra revoir prochainement car inutile de publier des elements qui paraissent difficiles aux lecteurs merci
Audace et melance étaient mes camades,nous avons partage le bas de l, école et le chômage.
Babaye
Il faudra connaître la vérité et punir les condamnés