Les réseaux sociaux font choux gras de l’affaire opposant la succession Kabwa à l’Office burundais de l’urbanisme et de l’habitat (OBUHA). Accompagné d’un imposant dispositif de sécurité, ce dernier vient de tenir une conférence de presse sur place, au grand étonnement des observateurs. Mais est-ce bon pour les affaires, alors que le gouvernement du Burundi vient d’organiser un sommet pour faire les yeux doux aux investisseurs ? Ce blogueur s’interroge.
L’affaire opposant les ayants droit de feu Kabwa à l’OBUHA fait couler beaucoup d’encre. Sur le point de se faire déposséder d’une partie de la propriété située sur la parcelle n° 4136b/A à Rohero, la succession Kabwa crie à l’injustice. De son côté, l’OBUHA a mis les petits plats dans les grands en invitant les journalistes à couvrir un point de presse où transparaît un certain besoin de justifier son action, une démarche que l’opinion publique peine encore à comprendre. Pourquoi une telle approche ?
Pourquoi une opération en mode commando ?
L’OBUHA et les titres fonciers sont deux faces d’une même pièce. Sans entrer dans les détails, l’administration a attribué une parcelle à un particulier il y a une quarantaine d’années, avec titre de propriété à l’appui. Ce dernier a joui de sa propriété pendant tout ce temps. Bien que l’on puisse comprendre les préoccupations de l’OBUHA concernant la mise en valeur de la parcelle, il est légitime de se demander si une approche aussi brutale était nécessaire. Dans la lettre du ministre chargé de l’urbanisme, sollicitant l’avis du ministre de la Justice, l’argument principal en faveur de l’annulation du titre de propriété pour une partie de la parcelle en litige est le suivant : « Au lieu de mettre en valeur cette parcelle de manière effective, selon le règlement d’occupation du sol, elle a procédé à un morcellement, et une partie est restée vide. » Une raison suffisante pour déposséder un particulier de son droit de propriété ? Nous laissons le soin aux juristes de répondre à cette question. Rappelons toutefois que l’attribution d’un titre de propriété suit une procédure complexe, incluant une phase d’enquête durant laquelle les équipes du Conservateur des titres fonciers collectent un maximum d’informations sur la propriété en question. Se sont-elles laissées berner dans le cas de la succession Kabwa, d’autant que le ministre Dukundane parle d’une démarche frauduleuse lors de la réunification de deux titres de propriété issus du morcellement de la parcelle ?
Un précédent contre-productif ?
Il semble pertinent de rappeler ici que le droit de propriété est un droit exclusif et absolu, comme l’a souligné un expert du droit qui a évoqué cette affaire. Ce droit n’est remis en question que dans des cas limitativement énumérés par la loi, notamment l’expropriation pour cause d’utilité publique, et dans ce cas, contre une indemnité juste et préalable. Mais laissons de côté les aspects juridiques pour parler de manière plus simple. D’une part, l’administration, qui avait attribué la parcelle à un particulier et lui avait délivré un titre de propriété, souhaite désormais reprendre une partie de cette parcelle pour les raisons évoquées plus haut. Ne devient-elle pas juge et partie ? En effet, nous apprenons que le particulier concerné avait déjà saisi la Cour administrative. Qu’aurait perdu l’administration à attendre l’issue du procès si elle estime être dans son droit ? D’autre part, ce geste pourrait créer un précédent dangereux. Le Burundi a récemment organisé un sommet de grande envergure pour les partenaires financiers et les investisseurs privés, dans le but de montrer patte blanche et prouver que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Que vont penser ces investisseurs en voyant qu’il est si facile d’exproprier un particulier, sans même passer par la case judiciaire ? N’est-ce pas se tirer une balle dans le pied ?