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Débat autour du nouveau code minier : les aspects essentiels ignorés

La modification du code minier au Burundi a suscité des débats intenses. Cependant, certains aspects essentiels, tels que les compétences des négociateurs de l’État, la nécessité d’experts en législation minière,  l’absence de forages et de laboratoire spécialisé… ont été omis, analyse notre blogueur qui a suivi le débat.

L’hémicycle de Kigobe, mardi 19 juin 2023, le vote du projet de loi portant modification du code minier bat son plein. Des questions, des inquiétudes, des éclaircissements tombent les uns après les autres. La durée de cette plénière montre les enjeux autour de cette loi. Plus de 7 heures de débat. La coupure répétitive de l’électricité n’empêche pas cependant plus d’une quinzaine de députés d’intervenir. Ibrahman Uwizeye, ministre d’Energie s’excusera plus d’une fois. 

Certains élus du peuple sont préoccupés par le fait que les richesses générées par l’extraction des terres rares sont insignifiantes. Et la plupart veulent connaitre l’argent généré par la société qui extrayait les terres rares de Gakara. Le ministre rassure les élus du peuple : « Le  capital social pour l’Etat passe de 10 à 20% et l’Etat et la société minière partagera les productions et non des dividendes. » 

À mon avis, le simple fait d’avoir un nouveau code minier et de renégocier les contrats des conventions ne suffit pas pour que le Burundi puisse tirer profit de l’exploitation des minerais. Pour étayer mon point de vue, prenons l’exemple de la suspension récente de la convention d’exploitation des terres de Gakara.  

Qui engage l’Etat dans les contrats miniers ?

Tout d’abord, qui négocie les conventions minières au nom de l’Etat ? Cette question est légitime car cette personne est censée défendre les intérêts de l’État. Pour les conventions qui ont été suspendues, c’est le ministère de l’Énergie et des Mines qui a engagé l’Etat burundais. Il est possible que le ministre ait négocié directement avec la société minière ou qu’il ait fait appel à un consultant. 

Quoi qu’il en soit, il est évident que la personne chargée de défendre les intérêts de l’État n’a pas suffisamment été compétente. Les faits sont indéniables. Le ministre ne mâche d’ailleurs pas ses mots : « Depuis le début des activités, cette société a exporté 2000 tonnes. Nous avons également saisi 400 tonnes avant leur exportation. Mis à part les taxes, le gouvernement n’a reçu aucun dividende alors qu’il détient 10% du capital social dans la société. »

Selon les experts, jusqu’à maintenant, il n’y a pas, dans le domaine de la législation minière, des juristes burundais compétents pour négocier ce genre de contrat. Dans de telles conventions, il y a beaucoup de subtilités. Pour conclure un contrat minier, il faut se référer à d’autres contrats internationaux du genre pour vendre au prix raisonnable. Pour ce faire, l’Etat devrait recruter un spécialiste international en législation minière pour négocier avec RBM et d’autres sociétés minières.

En outre, ce dernier doit plaider afin que le profit de l’Etat soit maximal. Ce juriste consultant peut rédiger un contrat ou éplucher le contrat proposé par les sociétés minières. Après l’entente, la signature de ce juriste doit en tout cas figurer dans le contrat minier. Ce qui n’est pas le cas, seule la signature du ministre de l’Energie  et des mines est apposée sur la convention minière de RBM et d’autres sociétés minières par exemple. Cela risque de minorer les impôts et les dividendes de l’Etat.

Qui connait notre sous-sol ? 

Une autre question plus pertinente. Comment l’État procède pour connaitre la quantité de minerais présents dans son sous-sol ? Par exemple, au début de l’exploitation des terres rares de Gakara, le directeur général de RBM a annoncé la production attendue. Pour RBM, le gisement de Gakara est exploitable pendant 25 ans, avec une production annuelle de 5000 tonnes.  La quantité de terres rares avancée par RBM n’est pas scientifiquement vérifiée. Personnellement, tant qu’il n’y aura pas eu suffisamment de forages pour confirmer ces estimations, je reste sceptique. De plus, les résultats des quatre dernières années sont connus. Cette société a exporté 2000 tonnes et 400 tonnes saisies avant leur exportation.

En se basant sur les observations de surface, personne n’est en mesure d’affirmer que la quantité de ressources avancée par RBM est correcte. D’ailleurs, je n’ai jamais vu des machines monter à Gakara pour faire les forages. Or, ces forages seraient essentiels non seulement pour prélever des échantillons de minerais, mais aussi pour évaluer la qualité des ressources. C’est déplorable de voir que ces travaux n’ont pas été effectués. Les faits sont là. Nous sommes dans une drôle de phase d’exploration-extraction.

Quid de la qualité des minerais exportés

Ainsi, l’État a pris la décision d’extraire des minerais sans connaître précisément leur quantité et leur qualité. Cette option a des conséquences économiques importantes, car l’État a vendu un produit sans en connaître la valeur exacte. Ce qui est préoccupant, c’est que le Burundi ne dispose pas d’un laboratoire spécialisé pour déterminer la nature et la qualité des minerais exportés. Le ministre des mines lui-même ne contredit pas ces faits. Il a déclaré devant les élus du peuple que lors de l’exportation, l’État et RBM n’étaient pas d’accord sur la teneur des concentrés de terres rares exportés.

D’après les experts, les terres rares sont une association de minerais sous forme de sable de nature et de valeur différente. Pour vérifier la nature et la qualité des minerais exportés, l’Etat devrait avoir son propre laboratoire. A l’heure qu’il est, le Burundi n’est pas en mesure de connaître les éléments des terres rares exportés. La RBM dispose peut-être des équipements pour identifier la composition les minerais exportés. 

Sous d’autres cieux, les sociétés minières sont tenues de fournir les résultats d’extraction et l’Etat doit normalement commanditer une contre-expertise des résultats obtenus. C’est connu, les sociétés minières ont toujours l’habitude de déclarer qu’elles exportent des produits de mauvaise qualité alors qu’en réalité, elles vendent ceux de meilleure qualité. Cette pratique leur permet de payer moins d’impôts et de verser des dividendes minimes à l’État.

 

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