S’il n’a pas fait l’objet de débat surtout chez les jeunes, le 24eme anniversaire de la signature des accords d’Arusha n’a pas laissé indifférent ce blogueur qui se rappelle des horreurs et des traumatismes toujours ambiants de la guerre civile dans sa province d’origine que ces accords ont le mérite d’avoir contenu. Pour lui, la vérité est le sérum qui préviendra les générations futures de la répétition des turpitudes du passé.
Dieu seul sait que Cibitoke a souffert de la guerre civile qui a secoué le pays après l’assassinat du président Melchior Ndadaye. Mais il y a aussi toutes ces crises que le pays a connues bien avant cette guerre civile. La province de la banane et du vin de ce fruit a connu une descente aux enfers pendant ces années sombres. L’auteur de ces lignes qui habitait Cibitoke à une époque se rappelle de certains événements terribles qui ont marqué l’histoire de Cibitoke en lettres de sang. C’est notamment le massacre du Lycée de Cibitoke où des corps empilés les uns sur les autres ont été découverts dans une maison attenante à l’Eglise Pentecôte. Une horreur qui a jeté l’effroi dans l’opinion. Ce massacre a aussi emporté la vie d’un certain Octave Mujenama, un directeur d’une école primaire très connu au Chef-lieu de Cibitoke, ainsi que toute sa famille.
Cibitoke, la mémoire dans la peau
Les tueries de Murambi où l’armée régulière aurait massacré les réfugiés qui s’étaient abrités dans une église protestante ont profondément choqué les habitants de Cibitoke. Plus récemment, le meurtre d’une vingtaine de personnes à Ruhagarika par un groupe armé en 2018 est venu comme pour réveiller les vieux démons du passé.
A toutes ces horreurs s’ajoute l’assassinat des responsables et des politiciens de la province. Pas moins de 2 gouverneurs de Cibitoke ont été assassinés. Il s’agit de Sylvestre Mvutse et du Lieutenant-Colonel Marcel Sinarinzi. Des députés de Cibitoke ont connu également un funeste sort. Ici, on citerait Bibiane Ntamutumba morte dans d’atroces souffrances, mais aussi de Gérard Gahungu (Alias Narize) assassiné à Ngagara, Vincent Runyagu tombé dans une embuscade tendue par les rebelles sur la RN5,…. la liste est très longue. Nous n’oublions pas non plus des centaines, des milliers des habitants de Cibitoke tués à cause de luttes intestines. Buhayira, Ruseseka, Butara, Ndora, Cishemeri, Nyamitanga,… toutes ces localités se sont transformées en zones de non-droit où c’était la loi de la jungle qui prévalait.
Donc, oui le Chef de cabinet du gouverneur de Cibitoke avait raison à 200% quand il a affirmait que Cibitoke n’a pas été épargné par les crises cycliques, à l’occasion d’un dialogue intergénérationnel organisé par Yaga dans cette province au mois de novembre 2023.
Cibitoke, berceau de la contestation politique aussi
Mais, même bien avant la guerre civile, certains ne sont pas loin de penser que Cibitoke a été le berceau de la contestation politique qui couvait depuis quelques années. Pour preuve, en août 1990, après l’assassinat de Rémy Gahutu, le fondateur de Palipehutu, les habitants Buganda s’étaient rasés le crâne en signe de deuil, ce qui était un acte courageux à l’époque. Le lendemain, ils avaient également fait une manifestation devant les bureaux communaux. Des tracts de revendications politiques avaient même été découverts dans les rues de Buganda, se rappelait Léonidas Ngenzebuhoro, Chef de la colline Kansega (commune Buganda), qui assure ces fonctions depuis des années. Il était également présent lors du dialogue intergénérationnel dont nous avons déjà mentionné plus haut. Une année plus tard, les rebelles attaquaient les provinces de Bujumbura, Cibitoke et Bubanza.
Si parler est justement important dans le processus de guérison de la mémoire violente, cela doit certainement être inscrit dans un processus plus inclusif et plus global favorisant la compréhension commune qui elle-même vise le vivre ensemble. C’est à ce prix-là que nous pourrons offrir aux générations futures un avenir meilleur.
Je trouve ça normal