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Les Burundais d’origine étrangère : le chaînon manquant de la réconciliation ?

Les Burundais d’origine étrangère, est-ce des moutons noirs qui ont tout intérêt à garder profil bas ou des nationaux à part entière qui doivent jouer leur partition dans la longue et périlleuse marche vers la réconciliation ? Certes, le pays a besoin de tous ses atouts pour réussir le pari de remettre ensemble toutes les composantes de son peuple, mais que doit-être le rôle de ces ‘’autres’’ Burundais ? Peut-être dans le plaidoyer, avance un expert. 

Il est né en 1958 dans le Faubourg, c’est-à-dire dans la zone de Kinama actuelle, des parents congolais. Il a grandi et a acquis la nationalité burundaise. Il s’est marié en 1983 et a actuellement 5 enfants. Il a toutes ses attaches au Burundi, il exerce son métier de mécanicien de poids lourds à Buyenzi ou à Buterere où il réside avec sa famille. Il a pour ainsi dire construit sa vie au Burundi. Il est ce qu’on peut appeler un Burundais. 

Lui, c’est Lambert Buleli alias ‘’Kapiololo’’. Il a vécu toutes les crises que le pays a traversées. Il nous a d’ailleurs affirmé avoir sauvé la vie de quelques Burundais d’ethnie tutsi de Kinama qui étaient menacés de mort pendant la crise consécutive à l’assassinat du président Melchior Ndadaye en 1993. « Certains Burundais d’origine congolaise ont parfois été victimes ou acteurs pendant les crises que le pays a connues. Mais dans leur grande majorité, ils ont gardé un certain degré de neutralité. A ce titre, ils peuvent dire la vérité sur ce qu’ils ont vu ou connu. C’est à ce niveau qu’ils pourraient peut-être contribuer à la réconciliation ». 

Victimes, eux aussi

Dans ce que  le vieil homme de 65 ans dit, il y a au moins une part de vérité. Ces Burundais d’origine congolaise ont été touchés par les crises d’une manière ou d’une autre. Son neveu avec qui il était quand on l’a rencontré s’est glissé dans la conversation et a rappelé un cas où suite à la crise, une famille de Burundais d’origine congolaise a été totalement décimée à la 6ème avenue de Buyenzi. « Vita iritokeya, batu ba Nyakabiga bakakimbiliya Buyenzi. Ba gendarmes balikuwa banafata. Waliyo kimbiya wali ingiya kwenye rupangu barabara ya 6. Waliuwa wo wote alikuwa ndani yar rupangu huo », confie M.M, le jeune homme de 30 ans. 

Cela étant dit, certains Burundais d’origine congolaise ont pu mener quelques actions positives pendant la crise, grâce à leur réputation d’homme intègre. Il donne l’exemple d’une parcelle sise à Nyakabiga III, 13ème avenue qui n’a pas été détruite grâce à l’intervention de son oncle. « Les ‘’Sans échecs’’ étaient décidés à détruire toutes les maisons de la parcelle. Mais mon oncle a plaidé pour la famille des propriétaires qui étaient de bons voisins. Leurs maisons ont été sauvées ». Pour lui, ce sont ces hommes et ces femmes intègres, quelle que soit leur origine, qui pourraient être mis à contribution dans les démarches de la réconciliation. 

Un rôle dans la réconciliation? Mais quel rôle ?

La vérité est à la réconciliation ce qu’est le carburant pour un moteur. Faire feu de tout bois pour découvrir la vérité doit être la pierre sur laquelle les mécanismes de réconciliation doivent construire. Mais de là à penser que les Burundais d’origine étrangère pourraient jouer un rôle décisif dans la longue marche vers le vivre ensemble que sous-tend la réconciliation, un expert est plutôt dubitatif. 

« Leur contribution est très difficile à déterminer dans le format actuel des mécanismes de la justice transitionnelle ou de la réconciliation. Souvent, dans les crises répétitives que le pays a connues, il est question des hutu, des tutsi et des twa. Même le rapport de la CVR parle du génocide contre les hutu, des exécutions extrajudiciaires envers les tutsi et les twa. Mais en ce qui concerne les Burundais d’origine étrangère, silence radio. Leur contribution devrait d’abord être le plaidoyer. Ils devraient d’abord chercher à faire reconnaître leur statut en tant qu’autre composante de la société burundaise faite de Burundais d’origine congolaise, omanaise, indienne, etc. Cela pourrait peut-être contribuer à détruire cette sorte de dualité entre hutu et tutsi, ce qui rappelle la notion de citoyenneté partagée. Cela pourrait aussi contribuer à détruire ces structures stéréotypées déjà existantes et sonner l’entrée dans une autre logique d’ouverture. Un écrivain le résume bien : ‘’Thinking out of the box’’ », indique Jean Bosco Harerimana, expert en justice transitionnelle. 

Mais, leur confier un rôle actif dans les mécanismes de réconciliation, ce serait une fausse bonne idée pour cet expert. « Cela parce que cette communauté n’a pas assez d’assise ou de base. Elle est plutôt marginale parce qu’elle n’est pas très connue dans la société burundaise. » M. Bosco rappelle qu’il y a eu une compagne de collecte des avis des Burundais sur la justice transitionnelle. En ce qui concerne leadership dans la justice réconciliatrice et transitionnelle, ce sont la société civile, les confessions religieuses, et les politiques qui sont venus en tête. On n’a pas pensé aux Burundais d’origine étrangère. Il serait très difficile de leur confier un grand rôle d’autant plus que certains Burundais les prennent toujours pour des étrangers tout court. « Au départ, les mécanismes de justice transitionnelle et de réconciliation devaient inclure les étrangers. Puisque cela n’a pas été le cas, il faut chercher chez les hutu, les tutsi et les twa qui sont par ailleurs les plus concernés par les crises cycliques que le pays a connues », conclut l’expert.

 

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