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L’accord d’Arusha : comment éviter une amnésie collective ?

Le 28 août 2023, l’accord d’Arusha totalisait 23 ans de son existence. Au moment où une certaine opinion pense qu’il a déjà été jeté aux orties, rappeler inlassablement le contexte de sa signature demeure un service à rendre à la nouvelle génération pour perpétuer la mémoire de cet accord.

Que des aprioris. C’est la perception que la jeune génération risque d’avoir ou a déjà sur l’accord d’Arusha. Il a permis la fin de la guerre civile, il limitait à deux le nombre de mandats présidentiels, il garantissait 30 % aux femmes dans les institutions…telles sont les affirmations, certes pas fausses, de quelques jeunes de 18 à 22 ans, interrogés sur ce qu’ils savaient de l’accord d’Arusha. La plupart d’entre eux ont avoué n’avoir eu vent de son existence qu’en 2015 avec les manifestations contre le troisième mandat du défunt président Pierre Nkurunziza. A cette époque, ils étaient âgés entre 13 et 16 ans. 

Bien que ce petit sondage se base sur un petit échantillonnage, il révèle un malaise profond sur l’héritage de l’accord d’Arusha. Non seulement sur l’accord d’Arusha, mais sur l’histoire du Burundi en général. On ne le dira jamais assez. L’histoire et son traitement demeurent les parents pauvres des programmes scolaires burundais. 

 Ce qu’il faut connaître sur l’accord d’Arusha

Que dire alors à tous ces jeunes burundais qui ne savent pas dans quel contexte il a été signé. Pour commencer, ils doivent savoir que les négociations de cet accord politique ont formellement duré un peu plus de deux ans. Elles ont commencé en 1998 pour se terminer en 2000. En réalité, l’accord Arusha est l’épilogue d’un processus débuté juste après l’éclatement de la guerre civile suite à l’assassinat du premier président Hutu élu démocratiquement Melchior Ndadaye et ses proches collaborateurs. C’était lors d’un putsch orchestré par l’armée à majorité Tutsi le 21 octobre 1993. Suite à de virulentes protestations, l’armée n’est pas allée au bout de son ignominieux projet. La grande muette a reconfié le pouvoir au civil. Rétropédalage. Malheureusement, elle avait déjà commis l’irréparable. Le pays était à feu et à sang. Sur les collines, les populations s’entretuaient à la machette. Des hutus tuant leurs voisins tutsis. En ville, des milices tutsis tuant les hutus. Au sommet de l’Etat, l’ordre de succession constitutionnelle avait été décapité par les mutins.

De San Egidio à Arusha

Le président de l’Assemblée nationale et son vice-président, censés remplacer le président de la République en cas de vacance du poste, avait été tous tués dans la nuit du 21 octobre 1993. Il fallait donc trouver comment rendre le pays gouvernable. Un rafistolage politique pour arrêter le désordre. Des pourparlers entre d’un côté, le Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU) parti majoritairement hutu, grand vainqueur des élections de 1993 et de l’autre côté, l’Union pour le Progrès National (UPRONA), parti considéré comme défendant les intérêts de la minorité tutsi. 

Ces deux blocs se rejetaient la responsabilité sur le chaos qui régnait dans le pays. Le Frodebu incriminait l’Uprona d’être l’instigateur du coup d’Etat tandis que l’Uprona l’accusait d’avoir planifié le génocide. C’est dans ces conditions que ces protagonistes ont dû négocier pour arriver à l’accord de Kigobe -Kajaga. De ce consensus, il se dégagea la nomination du président Cyprien Ntaryamira dès le début de 1994. Comme si ça ne suffisait pas, le nouveau président décède dans un crash d’avion avec son homologue du Rwanda le 07 avril 1994. Entre temps, une rébellion est créée par des anciens ténors du Frodebu, dont notamment Léonard Nyangoma. 

Sylvestre Ntibantunganya succède à feu Cyprien Ntaryamira dans une situation toujours volcanique. Après avoir tenu deux ans dans un climat délétère alternant entre balkanisation, attaques du Cndd-Fdd et massacres interethniques, il est déposé par le revenant Major Pierre Buyoya, le 25 juillet 1996. Mais les pays de la sous-région ne l’entendent pas de cette oreille et décrètent un embargo sur le Burundi. Pour sortir de cette impasse, le nouveau président entame en toute clandestinité des pourparlers avec la rébellion à San Egidio. Le secret découvert, ce processus sera interrompu. Nommé comme médiateur dans la crise burundaise au Sommet de Tunis de mars 1996, Julius Nyererere, ancien président de la Tanzanie, exige son rapatriement à Arusha. Il pilotera le processus d’Arusha jusqu’ à sa mort en décembre 1999. Nelson Mandela, ancien président sud-africain, reprendra le flambeau et réussira à décrocher la signature de l’accord d’Arusha le 28 août 2000.

 

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