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Break The Silence ou comment parler de la santé mentale à travers le 7e art

L’art permet à l’être humain d’exprimer ce que de simples mots ne peuvent pas dire. S’exprimant sur la santé mentale, Aziz Jaffer nous a offert un film qui, mentalement, nous offre un regard ludique et lucide. Critique.

Ce 10 octobre 2022, le monde entier s’était réuni pour célébrer la journée mondiale dédiée à la santé mentale. A Bujumbura, c’est dans le bar Arena que plusieurs personnalités du monde de l’art, de la culture et des médias s’étaient donné rendez-vous pour assister à la première du film (court-métrage) produit et réalisé par Azziz Jaffer. Un court-métrage qui traite de la santé mentale avec un titre très évocateur « Break The Silence » (Briser le silence, Ndlr). 

Un storytelling maîtrisé 

« Simple story, complex characters ». Cette phrase que l’on peut traduire littéralement en français par « Histoire simple, personnages complexes » est très connue dans le milieu des scénaristes hollywoodiens. Un script bien écrit se base sur ces quatre mots simples. Dans Break The Silence, Azziz Jaffer nous fait découvrir une jeune fille tourmentée : elle fait des hallucinations, entend des voix et n’arrive pas à en parler à ses proches. Pourtant, elle a une famille, des amis, des personnes qui l’aiment et qui la chérissent. Malgré cela, dans sa tête, elle ne va pas bien. Elle voudrait en parler mais comment ? Qui va la comprendre ? Ne vont-ils pas la juger ? 

Tout le nœud de l’histoire se déroule autour de ces questions. En regardant Break The Silence, je me suis rappelé d’un autre film qui traite de la santé mentale : Shutter Island  (2010) de l’incroyable Martin Scorsese, dans lequel l’immense Leonardo Di Caprio nous offre tout son talent d’acteur. 

Le point très important à mentionner pour ce film Break The Silence est qu’il est dans une forme de narration. En effet, un texte slam est récité durant le film. La fille ne prononce aucun mot, mais on arrive à suivre ce qui se passe dans sa tête. Parfaitement bien maîtrisé, on comprend parfaitement l’histoire car elle est simple. Le génie d’Azziz Jaffer est de nous offrir un personnage complexe à qui  certains peuvent même s’identifier. 

La direction artistique 

La tâche de la direction artistique était confiée à un duo : Ousmane et Viji Umuderi. Sans doute les meilleurs au Burundi. Ils sont mannequins, directeurs artistiques et stylistes. Leurs nombreux travaux ont reçu de beaux éloges dans le milieu artistique de Buja-la-belle. 

L’efficacité du duo est d’avoir su se conformer au scénario. Ils ont apporté une touche surtout au niveau des costumes des acteurs dont la confection a été assurée par la marque House of Sibo. Le noir, couleur exprimant un sentiment de tristesse, de désespoir, d’une profonde douleur, est dominant dans film. Quant à la musique, c’est le très talentueux producteur KDAGEAT qui a apporté son immense expérience. Le groupe de danse traditionnelle, Intatana, était convié dans ce travail de création. 

Plus de vingt artistes ont participé dans le projet Break The Silence. Azziz Jaffer était tel Nick Fury de l’agence S.H.I.E.L.D qui réunissait les Avangers pour sauver le monde ou Amanda Waller  qui devrait former la Suicide Squad. Azziz Jaffer a réuni ces artistes pour une cause juste : réveiller les consciences sur la santé mentale. Un projet qui portait réellement une touche artistique tant sur le fond que sur la forme, et surtout du côté visuel, il y avait de quoi mentionner. 

Une photographie juste 

Le noir et blanc a été longuement expérimenté dans le cinéma même avec l’avènement du film en couleurs. La Liste de Schindler  (1993) de Steven Spielberg fait partie des meilleurs films de tous les temps. On peut argumenter que l’utilisation du noir et blanc par le réalisateur d’origine juive dans le cas de La Liste de Schindler a permis aux téléspectateurs de bien ressentir l’horreur de la Shoah. En 2019 sortait dans les salles de cinéma The Lighthouse de Robert Eggers. En noir et blanc s’il vous plaît ! Robert Pattinson et Willem Dafoe sont au summum. Un thriller profond, intriguant, et d’une beauté artistique rarement égalée au cinéma. Robert Eggers a saisi le noir et blanc car il apporte une touche de désespoir, d’horreur, d’épouvante ; tout en apportant une touche esthétique. 

Pourquoi avoir cité tous ces films ? Une grande partie des six minutes de Break The Silence est en noir et blanc. Azziz Jaffer sait que pour capturer les émotions sur écran, il faut une bonne photographie. Le noir et blanc s’offre comme un très grand candidat pour parler de la santé mentale. Le travail du photographe Holyziner, qui a aidé du côté visuel, a sans doute apporté ses fruits dans le résultat final ; lui qui est connu pour jouer énormément avec les couleurs dans ses travaux.

C’est incroyable comment un travail de création de quelques minutes peut exprimer beaucoup de choses. Break The Silence est un travail de créatifs qui n’ont plus à se présenter. On les connaît. Ce sont les meilleurs dans leur domaine. Mais, chaque travail créatif à ses petits défauts : Break The Silence est trop universel : le Burundais lambda ou une personne en dehors du monde de l’art aurait du mal à se retrouver. Mais, qu’à cela ne tienne, au moins, ils se sont exprimés sur un sujet qui est rarement évoqué dans le monde : la santé mentale. Let’s break the silence !

 

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