Le Père Claudio Marano, qui s’est éteint à soixante-douze ans ce 27 juillet, est une figure marquante de l’histoire moderne du Burundi. Ce père xavérien laisse derrière lui une empreinte indélébile dans les cœurs de nombreux jeunes burundais, en particulier ceux des quartiers nords de Bujumbura.
Dans les yeux du Père Marano, il y avait de la sagesse. Ses cheveux et sa barbe blanche donnaient l’impression de faire face à un ange gardien. C’est ce qu’il est devenu aux yeux de nombreux burundais depuis les années 1990. A l’époque, le Burundi est particulièrement rongé par le virus de l’ethnisme. Dans les quartiers de Bujumbura, les adolescents apprennent la haine à bas âge. Les jeunes des quartiers Kamenge, Cibitoke et Ngangara ne font pas exception.
La création du Centre Jeune Kamenge (CJK) va changer la vie de ces enfants meurtris par la guerre civile. Les adolescents et les jeunes de toutes les ethnies vont se retrouver autour du football, du cinéma ou encore du jeu d’échecs. Bref, le centre créé par le père Claudio Marano deviendra un havre de paix dans lequel ils vont grandir. Ensemble.
Le miracle Marano
« En se baladant, aujourd’hui, au Centre Jeunes Kamenge, sur le mur à côté du Secrétariat, vous pouvez apercevoir des cartes appartenant aux membres décédés et qui n’ont pas pu les récupérer : on peut y lire leurs noms et la cause de leur décès. Pour l’écrasante majorité, il est écrit « Guerre » comme cause de leur disparition. « C’est un travail de mémoire que le centre tient à redonner au monde », explique une des sœurs qui travaillent dans ce centre. ». Ceci est un extrait d’un article de Yaga sur le rôle joué par le CJK dans la promotion de la paix dans le Bujumbura des années 90.
Dans le CJK de Marano, un jeune tutsi de Cibitoke féru de bande dessinée peut échanger avec un hutu de Kamenge, amateur de théâtre. Les hutus et les tutsis passent la journée ensemble, à jouer, à rire, à devenir des humains. Un moment fragile de répit dans une ville à feu et à sang. Car si le centre abrite les jeunes pendant la journée, la nuit tombée, les démons de la haine reprennent le dessus. En janvier 1995, à propos de la violence qui hante la partie Nord de Bujumbura, Père Marano dira dans les colonnes de Libération : « Ces gangs sont souvent à la limite du banditisme. Mais le quartier reste plutôt tolérant. Ici, les jeunes sont récupérables ».
Père Marano aura consacré toute sa vie à « récupérer » les jeunes burundais. Un travail herculéen dans un pays qui, pendant longtemps, aura traîné la réputation d’ « enfoncer sa jeunesse ». Vivement d’autres miracles Marano. Ce pays en a tant besoin.