« Lorsque la violence entre dans la maison, l’ordre et la justice s’en vont par la cheminée », dit un certain proverbe. La violence conjugale s’exerce toujours dans un contexte de force, de domination, d’inégalité et de discrimination. Le bourreau peut être l’homme ou la femme. Dans tous les cas, les enfants qui y sont exposés en subissent des répercussions multiples. Elles sont immédiates ou surviennent à la vie adulte.
« Le supplice commençait quand mon père rentrait ivre, tard dans la nuit. Des coups retentissaient. Les pleurs de ma mère me faisaient très mal. Je bouchais les oreilles pour éviter les éclats des injures et menaces verbales. Des fois, débordé, j’intervenais pour tenter d’arrêter la bagarre. ». Ces propos sont de H.B, 22 ans. C’est le souvenir amer qu’il garde des scènes de violence envers sa mère pendant son adolescence.
Mature avant l’heure
Au sein de la famille, il y a des frontières claires entre les différents systèmes. Avec la violence conjugale, elles peuvent devenir diffuses et incertaines, conduisant à la « parentification» de l’enfant. Il devient protecteur du parent victime, confident, ami, médiateur ou gardien de la paix.
« Au-delà violence, la parentification contribue à la détresse de l’enfant. Et il semble que l’adolescence est le moment propice à l’intervention dans les conflits conjugaux. », lit-on dans L’enfant et les violences conjugales de Robin Monique.
Evans Davies et Dilillo ont réalisé une étude sur les enfants exposés aux violences conjugales envers leurs mères. Ils concluent que plus les violences sont fréquentes ou sévères, plus l’enfant se blâme pour la violence, plus la détresse de la mère est élevée et plus la relation mère-enfant est faible, plus l’enfant est « parentifié ».
L’onde de choc
« L’exposition à la violence conjugale est une forme de mauvais traitement psychologique. Elle a pour effet de terroriser l’enfant, de l’isoler par crainte ou honte de la violence. ». Robin Monique l’évoque dans L’enfant et les violences conjugales. Ainsi, l’intégrité de l’enfant se trouve atteinte. Élise Mareuil, éducatrice de jeunes enfants le souligne : « L’enfant exposé aux violences conjugales présente de 10 à 17 fois plus de troubles affectifs et comportementaux qu’un autre ».
D’après la susmentionnée étude de Davies et Dilillo, ces enfants ne sont pas à l’abri des problèmes de santé physique, des problèmes d’ordre cognitif et scolaire.
En cas d’homicide, les effets sont graves. Il s’ajoute des conséquences liées à la mort d’un parent et à la perte de l’autre, condamné par la justice.
Une reproduction « transgénérationnelle »
Ces violences qui ne sortent pas souvent du huis clos familial auront un impact sur la perception des relations interpersonnelles. Par exemple, l’enfant peut croire que : la violence a sa place dans la vie familiale ; la tolérance d’être victime aux comportements violents est normale ou la dénonciation de la violence à l’extérieur de la famille est déloyale.
Le grand risque est la reproduction « transgénérationnelle » de la violence. Elle se traduira d’un côté par l’adoption de comportements agressifs, l’expression de comportements de contrôle, de prise de pouvoir et de domination sur l’autre. Et de l’autre côté, par le fait de s’adapter au désir et attentes de l’autre, de repousser les limites de ce qui est acceptable pour soi pour exister ou tenter d’obtenir une reconnaissance sociale.
L’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans un milieu familial, dans un contexte de bonheur, d’amour et de compréhension. Avec les violences conjugales, les enfants qui y sont exposés sont aussi des victimes. Leurs besoins d’aides sont nombreux et invitent à une action multi cible.Tout en sachant que protéger le parent victime, c’est protéger l’enfant.