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« Il refuse que je travaille, mais je dois le supplier pour chaque centime »

Interdire sa femme de travailler, lui refuser l’accès aux biens du ménage et d’autres contraintes qui empêchent la femme d’accéder aux moyens financiers constituent ce qu’on appelle les violences économiques. Elles ne doivent pas être passées sous silence, au contraire, elles doivent être dénoncées et combattues au même titre que les autres violences faites aux femmes. Voici le témoignage de Jacqueline*, 27 ans, qui a été victime de cette injustice.

2017. Au mois de septembre, je venais juste de terminer l’université quand j’ai rencontré Nicaise*. J’avais 23 ans, et lui 31 ans, nos fiançailles n’ont duré que 4 mois. Lorsque j’ai commencé à sortir avec lui, je n’ai rien remarqué de son caractère macho. Travaillant pour une ONG internationale, notre mariage, en décembre 2017, était à couper le souffle. Financièrement, mon mari gagnait bien sa vie, mais pour autant je ne voulais pas dépendre de lui. Je voulais avoir un travail. Après 6 mois de recherche, j’ai eu un poste d’enseignant de français dans un lycée privé. « Enseignante ? Jamais », a rétorqué mon mari quand je lui ai annoncé la bonne nouvelle. Il a refusé catégoriquement que je travaille, et m’a cantonné à la maison. « Comme je gagne bien ma vie, tu resteras à la maison, tu enfanteras et élèveras dignement mes enfants », m’a-t-il ordonné.

Anguille sous roche

2018. En m’empêchant l’autonomie financière et l’émancipation, ce que je craignais aller arriver, c’est-à-dire exercer une domination sur moi. Nous avions un compte bancaire commun, mais seul mon mari le gérait. Normal, c’est lui qui gagnait les sous. Lorsqu’il fallait acheter un Cotex (serviette hygiénique) pour mes règles, je devais le supplier qu’il me donne l’argent. Et quand il m’en donnait pour la ration alimentaire, je devais rendre compte et m’expliquer pour le moindre centime dépensé. À chaque fois qu’il me donnait un ordre, j’avais l’impression d’être un soldat à qui on ne doit aucune explication. Sa phrase préférée était « je n’ai pas de compte à te rendre, c’est moi qui décide ».

Coup de massue

2019. L’ONG pour laquelle travaillait mon mari plie bagages. Chômeur, il tente de trouver un autre job, mais en vain. Je croyais que mon mari économisait sur notre compte commun, mais en fait ce n’était pas le cas. Il se retrouve incapable de payer le loyer après 9 mois de chômage. Le pire est qu’il avait même des dettes qu’il s’était dispensé de payer. C’est là qu’il m’a contrainte de chercher du boulot. Heureusement j’ai décroché le poste de secrétaire de bureau. Pour ne pas créer un deuxième compte bancaire, avec tous les frais de tenue de compte, j’ai décidé de faire transiter mon salaire sur notre compte commun, ce qui s’est avéré être une grave erreur.

Mon mari m’a vite refusée l’accès au compte commun. Il a continué à le gérer seul alors que c’est moi qui gagnais de l’argent. Je n’avais pas le droit de retirer mon propre salaire. Habitué à travailler dans des ONG, il était trop dépensier. Il arrivait souvent que je me rende au boulot à pieds parce que je n’avais pas les frais de transport.

2020. J’avais déjà perdu 6 kg. Mes amis ont tout fait pour m’ouvrir les yeux. Il m’a fallu plus de temps pour comprendre que cette main mise était une forme de violence. Il était impossible de le faire changer de caractère. J’ai fini par divorcer. J’ai obtenu la garde de notre enfant, et j’ai juré de ne plus jamais dépendre d’un homme.

 

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