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De la nonchalance à la tombe

Presque quatre décennies après son identification par une équipe de chercheurs français, le VIH-SIDA fait-il encore peur comme lors de ses débuts ? Quel regard porte actuellement, les jeunes burundais sur cette épidémie qui a fait plus de 650 000 morts en 2021 ?

« Ah ! Moi, jamais ! Je n’utilise pas de préservatif », lance R.B, un de mes amis. Un autre, A.S, le soutient : « Je ne veux pas me priver de plaisir. Moi, c’est Bango ! Nyama kwa Nyama ». (Bango et Nyama Kwa Nyama : deux jargons utilisés pour désigner un rapport sexuel non protégé, NdlR). « Mais n’avez-vous pas peur d’attraper le VIH ou d’autres maladies sexuellement transmissibles ? », demandai-je « Bah…non ! », rétorque R.B, « maintenant, on peut recevoir un bon traitement. Toi-même, tu sais que c’est plus comme avant. Les années d’antan, le SIDA pouvait te ronger jusqu’à la moelle épinière. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas », continue mon ami : « D’ailleurs, moi, j’ai plus peur d’enceinter une fille que d’attraper le VIH ». Ceci est sorti lors d’une de nos longues discussions avec les amis autour d’une cuite. Ce genre de moments où vous amenez toutes les vérités sur table.

Cette discussion, qui a eu lieu il y a quelques mois, m’a intriguée. J’ai voulu en savoir plus. Est-ce que tous les jeunes burundais pensent de la sorte ? Dans ce genre de cas, les réponses sont trouvées dans les groupes WhatsApp où chaque nuit, ils se disent des vérités, des demi-vérités, etc.

Le progrès, un bouc émissaire ?

« Avec les ARV, il est difficile de distinguer à l’œil nu un séropositif, contrairement aux années antérieures », répond I.D, une jeune fille de 18 ans à ma question de savoir si réellement les jeunes n’ont plus peur d’attraper le VIH. Inutile de vous dire que dans un groupe WhatsApp des jeunes, lorsque vous engagez une discussion autour de la sexualité, les messages tombent comme une pluie torrentielle.

D.C, 23 ans, approche cette discussion d’une manière très différente des autres. Il écrit : « Moi, avec ma copine, je ne me protège jamais. Mais, lorsqu’il arrive que je vive une expérience sexuelle avec d’autres filles, c’est là où je me protège ». Face à ce message, le groupe s’enflamme. On envoie des stickers qui miment la stupéfaction. « Mais pourquoi jamais avec ta copine ? », demande un des membres du groupe. « À vrai dire, sans préservatif, c’est trop bon. Et je veux vivre ce moment avec ma copine », répond-il. 

Argument bidon ?

L’argument du préservatif qui diminue le plaisir lors de l’acte sexuel est parmi ceux utilisés par beaucoup de jeunes. M.R*, jeune homme de 31 ans, estime que le préservatif, l’empêche d’éprouver du plaisir. « J’éjacule tardivement…à bout de forces », témoigne-t-il. Les jeunes femmes ne sont pas en reste : D.M, 24 ans relate : « Je n’aime pas quand un homme utilise un préservatif. Ça m’enlève le plaisir ». Est-ce que D.M n’a pas peur d’être contaminée par le VIH lors de l’acte sexuel, elle répond : « Bah, le Sida, tu peux trouver un traitement et vivre avec ».

Les progrès dans le traitement et le suivi des séropositifs seraient-ils à l’origine du laisser-faire des jeunes face aux risques d’attraper le VIH ? Difficile de répondre à cette question. Cependant…

… la situation est alarmante 

Au moment où certains jeunes s’adonnent au Nyama Kwa Nyama, le rapport annuel du programme de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles de 2021 rapporte que « la tranche d’âge comprise entre 15 à 24 ans, est contributrice de nouvelles infections à 29 % en 2021 avec une moyenne de 26 % ». Cela veut dire qu’un tiers de nouvelles infections au cours de l’année dernière (2021) était des jeunes qui ont entre 15 et 24 ans. 

D’après encore ce rapport, « malgré les avancées dans le domaine de lutte contre le VIH, des défis persistent parmi lesquels la prévention du VIH chez les adolescents et les jeunes ». La nonchalance de certains jeunes face au VIH-SIDA, ne serait-elle pas parmi ces nombreux défis ?

 

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