Pour certaines Burundaises, l’accès aux soins en matière de santé sexuelle et reproductive est très limité par la précarité financière. Pour Nicelate Ndayiragije de la commune Nyabikere à Karusi, l’autonomisation des jeunes est l’une des remèdes pour une santé sexuelle épanouie. Témoignage.
Un petit retour en arrière. Nicelate n’a que 15 ans. Elle vient d’avoir ses premières règles. « Orpheline de mère et lycéenne, mon père était trop pauvre pour pouvoir me payer les serviettes hygiéniques. Et d’ailleurs, il ne savait même pas que j’en avais besoin », confie Nicelate. Sans personne pour l’aider, elle décide de se servir de vieux morceaux de tissus comme tampons, précarité financière oblige. Gênée de revivre chaque mois cette période qu’elle considère comme une malédiction, elle cède aux tentations d’un motard du coin. À l’origine, il l’a vu tacher sa jupe de sang et lui a promis de l’aider. Un tel cadeau du ciel ne se refuse pas. Et Nicelate ne sera pas l’exception.
Cadeau empoisonné
Tout s’est bien passé pendant deux ans. Un jour, alors que Nicelate passe chez le motard pour récupérer un paquet de serviettes, le cadeau du ciel se transforme en tunique de Nessus. Elle est violée. Ne pouvant pas contenir sa douleur au moment de l’acte, elle crie au secours. Aux instances judiciaires collinaires, l’histoire est traitée à l’amiable. Le père de Nicelate exige que le motard épouse sa fille. Le motard accepte, mais refuse de payer la dot. « J’ai payé les serviettes hygiéniques pour votre fille pendant deux ans, donc pas question de payer la dot », rétorque-t-il.
À ce moment, Nicelate n’a que 17 ans. Avec cet âge, impossible de faire un mariage légal devant la loi. Elle est donc mariée illégalement et précocement. Le pire, son mari l’oblige d’abandonner l’école pour être femme au foyer.
Les galères font le galérien
Trois ans après son mariage, le couple ne parvient pas à enfanter. Nicelate est traitée de tous les mots. Stérile, infertile,… son cœur saigne de douleur. Le poids de l’entourage et de la famille devient insupportable. Cherchant à se faire soigner ou à savoir qui est stérile dans le couple, son mari refuse de lui donner de l’argent pour une consultation médicale, et un ticket pour se rendre à Gitega pour des bilans de santé. Le pire, son mari la chasse de la maison et épouse une autre femme.
Une année après, la deuxième femme tombe enceinte. Une preuve que c’est Nicelate qui est stérile. Le mari épouse donc la seconde femme légalement, et chasse Nicelate.
L’autonomie, l’arme ultime
Sans argent pour se faire soigner, et pour ne dépendre ni de sa famille ni de la prostitution, elle déménage à Gitega. Grâce à un ami de sa commune natale, elle obtient un travail de serveuse dans un des hôtels de Gitega.
Après une année, elle a suffisamment mis de côté pour se payer une consultation gynécologique à Bujumbura. Les bilans de santé diagnostiquent un trouble ovulatoire. Elle est mise sous traitement, qu’elle paye sans problème.
Aujourd’hui, elle a 23 ans, mariée légalement et enceinte de sept mois. Toute rayonnante, elle explique que son cas n’est pas isolé, et admet que l’autonomisation des jeunes est un tremplin pour une vie sexuelle épanouie, et la base pour un accès à la santé sexuelle et reproductive.