C’est l’histoire tragique d’une jeune fille infirme de la colline Rwamvura en commune Kigamba de la province de Cankuzo que les pulsions d’un violeur ont contraint à des mois de dures souffrances. Laurence Butoyi n’a pas vu son enfant grandir. De la misogynie, des résidus de sa vie déchiquetée, des séquelles persistantes…il ne lui reste que ça.
Depuis qu’elle a perdu l’usage de ses jambes à quatre ans, la jeune fille vit recluse dans la maison familiale. Pour se déplacer, elle doit se trainer à même le sol. Esseulée, elle passe ses journées dans une pièce qui fait office de salon mais aussi de bergerie. Pour profiter du soleil ou tromper son ennui en regardant les passants, elle doit manœuvrer pour éviter la bouse.
Cette vie déjà difficile a connu un tournant tragique dans la soirée du 27 août 2020. Pourtant, sur la colline Rwamvura l’air était à la fête. Ce jour là, l’on célébrait une levée de voile à un jet de pierre de chez Butoyi. Comme d’habitude, l’adolescente est restée seule, tapie à l’intérieur de la maisonnée pendant que toute sa famille prenait part à la fête.
Loin de se douter de quelque chose, elle a vu un jeune homme entrer dans la maison. Une connaissance de la famille. « C’est un lointain parent. Il venait souvent nous rendre visite », raconte la jeune fille en bégayant. Sans trop tarder, le jeune homme a demandé où se trouvaient le reste de la famille et tout naturellement, Butoyi a répondu qu’ils étaient à la fête de levée de voile. « À cette réponse, il s’est rué sur moi, a éteint la lampe torche que j’avais et m’a violée.»
Au retour des parents, elle n’osera pas révéler ce qui lui était arrivé pendant leur absence. Elle se contentera de dire à sa mère que ce n’est pas prudent de la laisser seule. Sans la prendre au sérieux, cette remarque passera tout bonnement pour un énième caprice.
Du déni à la triste réalité
Pendant ce temps, dans les entrailles de Butoyi, une vie se forme au fur des semaines. Dépourvue de toute éducation sur la reproduction, la jeune fille est à mille lieux de s’imaginer qu’elle sera bientôt maman. « Je croyais que j’avais attrapé la malaria quand les premiers signes sont apparus », se souvient-elle. Sa mère, croyant la soulager, elle lui fait prendre une cure d’artesunate-amodiaquine.
Au bout de deux mois d’automédication et d’ingurgitations de potions à base de médicaments traditionnels, Butoyi décidera de briser le silence. Un coup de massue pour sa mère qui, dans le désespoir tentera de mettre fin à ses jours. « N’eut été l’intervention des voisins qui l’ont retenue, elle allait se suicider », témoigne une voisine.
« Quand je vois un homme, je pense qu’il va me violer. »
Impuissants devant le fait accompli, la famille va se montrer résiliente. Le petit frère de Butoyi de neuf ans son cadet va rester aux petits soins de sa sœur. Sa mère est aussi un peu plus présente, elle qui doit subvenir aux besoins de la famille presque seule car son mari est aussi infirme. L’auteur du forfait lui s’est fait la belle, direction la Tanzanie.
L’accouchement était prévu pour début avril 2021 mais les choses ne sont pas bien passées. À un mois du terme, Butoyi s’est retrouvée aux prises avec d’atroces contractions. Comble de malheur, comme elle est souvent seule, l’enfant naîtra sans assistance. C’est par le plus grand des hasards que la sœur jumelle mariée de Butoyi, qui passait par là et trouvera le bébé gisant à même le sol, inerte. Grace à l’intervention des voisines l’enfant sera réanimé et conduit à l’hôpital.
Mais malheureusement, il ne vivra qu’une petite semaine. Ne pouvant pas téter, il était nourri grâce aux bractées de bourgeons mâles des bananiers, umwanana, la famille ne pouvant pas se procurer un biberon. Butoyi elle, a développé une phobie envers les hommes. « Je me sens très mal dans ma peau. Quand je vois un homme, j’ai l’impression qu’il va me violer », susurre l’infortunée.